Les boulangeries au bord du gouffre !

DANS l'ombre des boulangeries qui luttent pour leur survie, la fragilité économique du secteur de la boulangerie se dessine avec une clarté alarmante. Derrière l'apparente abondance de baguettes se cache une réalité brutale : le secteur est en péril, les boulangers au bord du gouffre. En 1993, une baguette générait une marge de 10 à 12 francs pour les boulangers. En 2023, cette marge s'est réduite à seulement 3 francs par baguette, tandis que les coûts des intrants ont explosé. Le prix du pain demeure inchangé, tandis que le sac de sel, de la farine, de la levure, des améliorants et même de l'eau ont vu leurs coûts grimper en flèche.

À titre d'exemples, le sac de sel de 25 kilogrammes est passé de 4 500 francs avant avril 2022 à 8 500 aujourd'hui. Sur la même période, le sac de farine est passé de 16 000 francs à 19 000, la levure de 24 000 francs CFA à 30 000 francs, les améliorants de 27 000 francs CFA à 32 000. Les délestages de la Société d'énergie et d'eau du Gabon (SEEG) ne sont pas venus pour arranger les choses. Le mètre cube d'eau utilisé par les boulangeries est passé de 985 TTC (à la SEEG) à 10 000 francs. Les approvisionnements en cubitainer d'eau se font auprès des particuliers qui revendent de l'eau aux producteurs de pains. À plusieurs reprises, les boulangers ont démontré aux autorités que leurs charges d'exploitation et de production devenaient insoutenables.

Conséquence : depuis février 2022, dix boulangeries ont fermé, et quelques-unes d'entre elles ont été vendues à des repreneurs souvent ignorants de la réalité du secteur. Ces repreneurs qui se mordent les doigts, regrettent désormais leur décision, témoignant de la crise profonde qui sévit. Face à l'opinion, boulangers et autorités jouent un jeu d'apparences sur le prix. Bien que le prix nominal reste stable, le poids réel de la baguette diminue subrepticement. Une tentative d'équilibre qui ne dit pas son nom, un subterfuge pour dissimuler l'augmentation insidieuse du prix.

À ce qu'il semble, les autorités de contrôle ne sont plus tout à fait exigeantes sur le poids homologué de la baguette de pain qui, aujourd'hui, varie entre 195 et 220 grammes. Dans les faits, de nombreuses boulangeries du Grand Libreville vont même jusqu'à produire des baguettes de pain à 170 grammes. " C'est la solution qui est pratiquée au Cameroun ", relate un professionnel. CONCURRENCE DU SURGELÉ• La concurrence étrangère aggrave la situation, avec l'importation du pain, mais aussi des viennoiseries surgelées prêtes à cuire. Ces produits, qui ne sont pas fabriqués localement, et importés par des sociétés locales spécialisées dans le surgelé, détruisent des emplois en favorisant une production à faible main-d'œuvre.

" La réalité est que ces grandes surfaces qui ont parfois des boulangeries et pâtisseries utilisant des pâtes surgelées n'utilisent que peu de main-d’œuvre. Là où une boulangerie embauche 45 personnes pour fabriquer des viennoiseries, selon une rotation d'effectif en 3 quarts, celui qui fabrique à base de farine prête à cuire n'a besoin que d'un à deux employés. Cette pratique détruit des emplois ", regrette Jaber Nguembet Yasser.

À défaut d'une augmentation claire du prix de la baguette, les autorités doivent reconnaître la crise et appliquer le protocole de sauvetage du secteur boulangerie signé par plusieurs parties, le 7 février 2022, entre le ministère de l'Économie et de la Relance, le ministère du Commerce, des PME et de l'Industrie, les vendeurs de farine que sont la SMAG et Foberd, le Syndicat des boulangers et pâtissiers du Gabon, la Confédération gabonaise syndicale, l'Organisation gabonaise des consommateurs et SOS Consommateurs. Les boulangers sont au bord de la déprime, conscients que sans solutions immédiates, le secteur risque de sombrer. Un secteur tout entier est en jeu, avec des conséquences sur les emplois, la qualité du pain et la survie des boulangeries.

Innocent M'BADOUMA

Libreville/Gabon

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