La majorité bloquante. Que recouvre cette dénomination ?
Geoffroy Foumboula : La Majorité bloquante, pour la comprendre, il faut comprendre sa genèse. Le Copil citoyen est un mouvement citoyen. En son sein, il y a treize gouvernances dont une gouvernance politique via laquelle en 2023, pour les législatives, on a mis en place une plateforme dénommée "Conquête Gabon", dont la mission était de canaliser toutes les candidatures indépendantes qui souhaitaient être dans les institutions électives. Pour 2025, c'est cette plateforme qui a changé de dénomination pour devenir La Majorité bloquante, avec pour objectifs : canaliser les candidatures indépendantes et permettre d'avoir un Parlement qui est le plus représentatif possible.
Ne donnez-vous pas raison à ceux qui estiment que vous vous êtes servi de la société civile comme tremplin ?
Geoffroy Foumboula : C'est selon. Les politiques ont leur cadre, ils relèvent de la démocratie pluraliste. Nous sommes des acteurs civiques, et depuis la nuit des temps, le terme "indépendant" existe pour ceux qui souhaitent être dans les organes électifs. Est-ce qu'on fait de la politique ou est-ce qu'on s'est servi de la société civile ? Non. C'est le prolongement du combat civique.
Comment comptez-vous incarner une majorité bloquante face à un président que vous avez soutenu pendant la présidentielle ?
Geoffroy Foumboula : Nous avons soutenu le président pour la conquête du pouvoir exécutif. Mais c'est terminé, il a été élu. Nous n'avons pas l'obligation de le soutenir pour la conquête du pouvoir législatif. Nous pouvons dire que nous avons fait le bon choix en positionnant la personne qu'il faut à la tête de l'Exécutif. Notre contrat s'arrête là. Il faut maintenant qu'on se batte à faire le bon choix pour trouver des parlementaires citoyens. Lesquels seront capables de dire au président de la République que là ce n'est pas bon. Et La Majorité bloquante dont on parle n'a pas pour objectif d'empêcher le président de gouverner.
N'êtes-vous pas comptable de la Transition ?
Geoffroy Foumboula : Non. Moi je ne pourrais pas porter cet héritage. Au Parlement, nous sommes 98 députés de la Transition. C'est un député une voix. J'ai soutenu la Transition, mais ça a été pris négativement. Je n'ai jamais voté une seule modification de la Charte de la Transition.
Quelle a été votre position sur ces changements ?
Geoffroy Foumboula : Je n'ai jamais voté le fait qu'on puisse attribuer au président le titre de président de la République quand on a modifié la Charte, alors qu'on était en pleine Transition. J'étais le seul à avoir voté contre. Je n'ai pas voté la loi qui modifiait certaines conditions au niveau du statut des militaires pour favoriser les mariages rapides. Mais ça a été pris différemment. Mais comme je le répétais aux gens, je n'ai pas été nommé pour être au service du président, il ne m'a jamais donné cette instruction. Et même s'il me le demandait, il sait que j'aurais dit non, parce que je ne me mets pas au service des personnes. J'ai été nommé pour être au service de la République. Je n'ai jamais voté une seule loi de finances. Je me suis retrouvé des fois seul député à voter contre une loi de finances dans tout l'hémicycle. Mais j'assume, et c'est cet esprit, ce courage que nous voulons donner à tous ceux qui vont poursuivre au sein de La Majorité bloquante.
Certains acteurs de la société civile semblent trop proches du chef de l'État et sont d'ailleurs médiateurs. Finalement, qu'est-ce que c'est la société civile aujourd'hui ?
Geoffroy Foumboula : La société civile n'est pas un bloc commun. On en a des bons, des mauvais, ceux qui sont transversaux. Mais nous, nous avons réussi quelque chose d'assez intéressant au niveau de notre mouvement. Nous nous battons avec ceux qui suivent sa ligne directrice. Si certains, peut-être parce qu'ils ont trouvé un autre positionnement, se sont découverts une ambition politique, ils ont fait le choix de s'engager politiquement auprès du président de la République.
Pensez-vous que vos alliés dans ce mouvement auront la même indépendance que vous une fois au Parlement ?
Geoffroy Foumboula : C'est le souhait, mais on n'est pas à l'abri de surprises. Vous l'avez signalé tout au début de l'entretien, le peu que nous, société civile, étions au sein du Parlement par exemple, nous n'étions pas forcément unanimes sur bon nombre de préoccupations de nos populations. Par exemple, sur la question des déguerpissements, Lionel (Ella Engonga, également président de "SOS Prisonniers", Ndlr), Marcel (Libama, Ndlr) et moi avons fait le choix de nous exprimer ouvertement en fustigeant la façon dont les choses ont été faites. D'autres ont fait le choix d'émettre des réserves, et d'autres sont venus nous attaquer assurément à cause d'une nouvelle proximité avec le président. Mais c'est tout ça le Gabon, cette diversité d'opinions. Nous nous battons à cultiver et à partager cette culture à ceux qui nous rejoignent.
Face à des géants comme l'UDB, comment La Majorité bloquante entend-elle s'imposer ?
Geoffroy Foumboula : Notre existence est fonction des citoyens. Si les citoyens ont pris suffisamment conscience, comme on a vu nos frères Sénégalais avec le Pastef et bien d'autres mouvements, ils vont nous le démontrer à la faveur de ces élections. Aujourd'hui, l'opportunité qui est donnée à chaque Gabonais, c'est de choisir qui ira défendre ses causes demain au Parlement. C'est ça la grande question. Nous n'avons rien à perdre, nous ne sommes pas des acteurs politiques. On veut conquérir le Parlement pour mieux porter les préoccupations de nos concitoyens. Est-ce qu'ils le comprendront ainsi ?
Avez-vous une source de financement ?
Geoffroy Foumboula : Nous souhaitons mobiliser 80 candidatures aux législatives, une trentaine aux sénatoriales et 35 listes aux locales. Quand nous faisons notre évaluation, il nous faut un minimum de 200 millions pour tout cela. Nous lançons un appel à contribution pour ces 145 candidatures citoyennes. Nous demandons au moins 10 000 Gabonais sur les 2 millions qui existent. Si chacun nous apporte 20 000 FCFA, on mobilisera nos 200 millions, sachant que nous serons leurs candidats.
Si pour atteindre votre objectif d'un tiers des sièges, vous deviez former des alliances avec des personnalités parfois au passé politique que vous dénoncez, que feriez-vous ?
Geoffroy Foumboula : Ça ne va jamais arriver. C'est clair, net et précis. Vous avez pourtant conjugué avec ces personnes pendant la présidentielle ! Si vous avez suivi notre actualité, le mouvement auquel j'appartiens, le Copil citoyen, n'a jamais été dans les coordinations de campagne. Ni au référendum, ni à la présidentielle. Nous ne nous voyions pas sur une estrade avec des Pdgistes parce qu'ils soutiennent le même candidat que nous, pour dire "Oyé" !
De vos prises de parole publiques, on constate que vous n'êtes pas souvent en phase avec les actions du président de la République. Vous est-il arrivé d'avoir des regrets au sujet de votre choix ?
Geoffroy Foumboula : Jamais ! Ce n'est pas possible. Dans la vie, l'une des grosses erreurs que nous commettons et l'une des plus grosses trahisons, c'est de faire croire au leader que tout ce qu'il fait est bon. Moi, mon positionnement est clair depuis les premiers jours de la Transition. Quand on m'a nommé vice-président, j'ai eu l'honneur d'être proposé. Premièrement, la proposition d'entrer au gouvernement que j'ai déclinée à cinq reprises. Ensuite d'occuper la fonction de vice-président que j'ai déclinée.
Et si à l'issue de ces élections, vous n'atteigniez pas vos objectifs, quelle serait votre position ?
Geoffroy Foumboula : Je resterai acteur civique. Je suis acteur civique, je suis entrepreneur, je suis porté sur le social et l'éducation. Donc je ne manque pas d’activités. La seule chose qu'on recherche, c'est simplement l'immunité parlementaire pour nous permettre d'être en sécurité et de mener nos actions en toute quiétude, c'est tout.
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