Des accusations extrêmement graves, mais que le jeune homme de 36 ans, marié à une Centrafricaine - de qui il a eu un enfant - et trônant à la tête de deux entreprises (un cabinet d'assistance comptable et conseils et une autre spécialisée dans l'entretien de l'espace vert, le gardiennage et le service de femmes de ménage) depuis plus de 8 ans, n'avait cessé de récuser tout au long de sa garde à vue de près de six semaines dans une unité de police ! Mais manque de pot ! L'administration initiatrice de l'arrêté refusant de faire machine arrière.
Sylvain Ismaël Agnagano, assisté de ses avocats centrafricains, décide alors de se pourvoir auprès du tribunal administratif de Bangui pour obtenir l'annulation de l'arrêté n° 007/MISP/ DIRCAB/SP-24 du 28 mars 2024 ordonnant son expulsion du territoire de la RCA. Un arrêté qui repose sur des allégations infondées et en violation manifeste des règles de droit, estiment alors ses conseils dans leurs conclusions et réplique aux observations du ministère de l'Intérieur communiquées au tribunal administratif.
Aussi, sollicitent-ils l'annulation dudit arrêté pour "violation de la loi et excès de pouvoir". D'abord sur la notification du texte d'expulsion. Dans son mémoire en défense devant la juridiction administrative, le ministère de l'Intérieur affirme que cette notification a été effectuée auprès de l'épouse du requérant. Or, répliquent les avocats de ce dernier, l'article 28 de l'ordonnance n° 85.017 du 26 juin 1985 dispose expressément que la notification d'un arrêté d'expulsion doit être faite à la personne concernée elle-même et non à un tiers.
Le ministère ne pouvant produire le moindre élément prouvant que M. Agnagano a reçu notification personnelle de l'arrêté, il en résulte une violation du droit de la défense et des principes de procédure régulière. En conséquence, ce vice de procédure entraîne l'irrégularité et la nullité de l'arrêté attaqué.
Sur le "séjour irrégulier" du requérant, l'administration n'a pas été en capacité de prouver cet argument, pas plus qu'il n'a été en mesure d'administrer la preuve que M. Agnagano a fait l'objet de poursuites ou d'une condamnation en matière pénale par les juridictions compétentes en Centrafrique. Les pièces versées au dossier au moment des faits prouvaient bien que son titre de séjour était en cours de validité. Cet exposé a donc été jugé dénué de fondement et ne pouvait justifier l'arrêté litigieux.
Sur les allégations "d'espionnage et de menace à la sécurité nationale", le ministère a soutenu que le requérant aurait, sous couvert de son statut d'opérateur économique, participé à des activités d'espionnage, mettant en péril la sécurité nationale. Là encore, disent ses conseils, aucune preuve concrète n'est venue étayer ces allégations. Aucune institution ou autorité nationale n'a signalé une quelconque activité d'espionnage imputable au requérant.
Aucune enquête judiciaire n'a été ouverte par les services compétents pour établir des faits similaires. Aucun rapport officiel ne démontre que l'homme d'affaires gabonais aurait participé à des activités attentatoires à la sûreté nationale. Or, en vertu du principe de légalité et de charge de la preuve, il appartenait au ministère de l'Intérieur d'apporter des éléments factuels et probants, ce qu'il n'a pas fait.
En conséquence, cet argument ne pouvait justifier la mesure d'expulsion litigieuse et devait donc être écarté. Les autorités centrafricaines ont également allégué que le requérant a commis des actes d'espionnage et de trahison. Or là aussi, aucune poursuite judiciaire n'a été engagée à son encontre, alors que de telles infractions relèvent du domaine pénal et nécessitent l'ouverture d'une information judiciaire par le parquet, une enquête diligentée par les services compétents et un jugement confirmant les faits reprochés.
En l'absence d'une telle procédure, les accusations du ministère ont été jugées infondées et ne pouvant servir de fondement à l'expulsion de l'entrepreneur gabonais. De même, à l'audience publique du 30 avril 2025 au cours de laquelle Sylvain Ismaël Agnagano était représenté par ses avocats, le ministère de l'Intérieur et de la Sécurité publique "n'a pas apporté les preuves permettant d'appuyer ses affirmations", liton dans l'expédition du tribunal administratif de Bangui dont L'Union a obtenu copie.
"L'arrêté d'expulsion est entaché d'irrégularités et n'a pas été notifié selon les règles. Par conséquent, c'est à bon droit que Sieur Agnagano est fondé à demander son annulation. L'arrêté n°007MISP/DIRCAB/SP-24 du 28 mars 2024 est annulé pour violation de la loi", conclut la juridiction centrafricaine dans son jugement du 7 mai dernier. Le ministère de l'Intérieur fera-t-il appel de cette décision ? Que reproche-t-on finalement à l'homme d'affaires gabonais pour mériter un tel acharnement quand on sait que ses entreprises contribuaient à réduire le chômage des Centrafricains ?
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