"Nous sommes en vie, mais sans vivre". Cette phrase douloureuse résume les dix-huit années de calvaire que traversent Jean De Dieu Ndong et des centaines de ses collègues, anciens agents de la Caisse nationale de garantie sociale (CNGS). Porte-parole des déflatés de cette structure liquidée en 2007, il alerte, à la faveur d'un point-presse, sur le sort tragique de ceux qu’il appelle "les oubliés de la République".
À l’époque, tout semblait pourtant commencer sous de bons auspices. " À ma sortie de l’université, j’ai été recruté par la CNGS. Je n’y ai travaillé que cinq ans, jusqu’à sa dissolution ", se souvient-il.
Créée par la loi 10/82, la CNGS couvrait quatre grandes branches : les prestations familiales et de maternité, les pensions de vieillesse et d’invalidité, les risques professionnels et les soins de santé. Elle servait non seulement les agents publics contractuels, mais aussi les travailleurs indépendants et les Gabonais économiquement faibles, selon un système dit de garantie sociale.
Mais en 2007, tout s'arrête. Le chef de l'État d'alors, feu Omar Bongo Ondimba, signe l’ordonnance 0002/2007/PR qui met fin à l’existence de la CNGS au profit de la toute jeune Caisse nationale de maladie et de garantie sociale (CNAMGS). Un liquidateur, est nommé, mais très vite remplacé sans explication par Daniel Tchibinda. "Ce fut le début de notre calvaire", affirme Jean De Dieu Ndong.
Il décrit un processus de liquidation entaché d’irrégularités : nominations internes abusives, arrêt brutal du paiement des indigents, rapatriement non contrôlé des fonds. Le plus choquant, selon lui, reste le traitement inhumain réservé aux agents déflatés. "En 2007, la CNGS a reçu 6,7 milliards de FCFA pour sa liquidation. Et la CNAMGS, qui n’était même pas encore fonctionnelle, a perçu un milliard. D’où venait tout cet argent ? Où est-il passé ?"
Les années passent, les financements s’enchaînent. Plus de 12 milliards de francs jusqu’en 2014, selon les documents que détient M. Ndong. Mais aucun plan social n’est mis en œuvre. "Nous avons frappé à toutes les portes : ministères, présidence… Seul le silence nous répondait", déplore-t-il. Il dit avoir saisi le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, en février 2025, pour demander une commission d’enquête sur la gestion des fonds destinés à leur indemnisation. "Ce ne sont pas les moyens financiers qui ont manqué. C’est la volonté politique. Aujourd’hui, nous sommes des diplômés à la rue. Certains dorment dehors, d’autres mendient. On nous a condamnés sans procès."
Le combat que mène Jean De Dieu Ndong ne se limite plus à la revendication d’un plan social. Il incarne une lutte plus large : celle du droit à la dignité pour ceux qui ont servi l’État et que ce dernier a abandonnés. "Même le droit se négocie au Gabon. C’est du jamais vu."
Dix-huit ans plus tard, l’ancien syndicaliste refuse de baisser les bras. Pour lui et ses collègues, le silence des institutions est une injustice insoutenable. "Nous ne demandons pas l’aumône. Nous voulons juste ce qui nous revient de droit". Il interpelle solennellement le chef de l’État pour qu’enfin, "la lumière soit faite sur cette boîte de Pandore.
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