Enquêtes incomplètes, procès-verbaux approximatifs, pièces à conviction inexistantes ou mal exploitées. Voilà autant d’irrégularités relevées à la faveur de la dernière session criminelle ordinaire de la Cour d’appel judiciaire de Franceville, organisée du 23 juillet au 29 août dernier. Les débats ont ainsi mis en lumière les failles récurrentes dans le travail de certains Officiers de police judiciaire (OPJ), remettant en cause la fiabilité de l’ensemble de la chaîne judiciaire.
En effet, avocats, accusés, parties civiles et magistrats ont unanimement pointé du doigt des enquêtes menées avec légèreté. Les procès-verbaux d’interrogatoire, censés être la base des poursuites, comportent souvent des déclarations orientées ou incomplètes. Nombre d’accusés affirment ne pas se reconnaître dans les propos qui leur sont attribués.
De leur côté, les victimes contestent parfois la véracité des propos et des signatures apposées sur les documents. Ainsi, la mère d'une fillette violée a découvert en pleine audience un procès-verbal (P.V) portant une signature qui n’était pas la sienne et pour lequel elle n'a jamais été auditionnée. Dans la dernière affaire, un enfant victime de violences paternelles n’a jamais été entendu en enquête préliminaire. Seul le père avait été auditionné, sans confrontation. Des manquements qui sèment le doute sur la qualité des enquêtes et fragilisent la justice.
Au-delà de la rédaction des PV, c’est l’absence d’exploitation des preuves qui choque le plus. Dans plusieurs affaires de viols ou de meurtres, des éléments déterminants comme du sperme retrouvé sur une victime ou un poignard ensanglanté n’ont jamais été analysés ni produits au procès. Quand bien même Franceville dispose du Centre interdisciplinaire de recherches médicales (Cirmf), doté d’équipements permettant des tests ADN, de paternité ou d’identification criminelle. Ce potentiel reste inexploité, laissant place à des dossiers vides où l’intime conviction des jurés doit primer sur la preuve scientifique, avec l'appui des articles de lois.
Autre anomalie, l’absence d’une salle de scellés sécurisée au Palais de justice. Les pièces à conviction disparaissent parfois, volées ou égarées, rendant impossible leur présentation lors des audiences. Dans ces conditions, certains acquittements ne reposent pas sur la démonstration de l’innocence mais tiennent au contrai re au manque de professionnalisme des enquêteurs. Ainsi plusieurs accusés, détenus depuis quatre ou cinq ans, ont-ils finalement été libérés faute de preuves tangibles. Mais ces années passées en prison demeurent perdues, témoignant d’un dysfonctionnement grave qui brise des vies.
Avocats et magistrats appellent à une réforme profonde, tant au niveau des méthodes d’enquête que de la prévention sociale. Pour les autorités, il devient urgent de créer des structures de réinsertion adaptées aux jeunes délinquants, nombre d’entre eux refusant de quitter le milieu carcéral à l’issue de leur peine, faute de perspectives. Du côté de la société, la restauration des valeurs famil iales et communautaires apparaît comme une nécessité. Comme l’a souligné le premier président de la Cour d’appel. Il en va non seulement de la crédibilité de la justice, mais aussi de la protection des victimes et du respect des droits fondamentaux des accusés.
Charge donc à l’État, aux institutions et à la société de se saisir de ce signal d'alarme pour redonner confiance à la justice.
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