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Société & Culture

Tribune / Transition verte au Gabon : forêts, climat, environnement... pour une gouvernance plus juste et souveraine à l'ère de la Ve République

Rodrigue ABOUROU OTOGO - Expert environnement et climat

Par Rodrigue ABOUROU OTOGO - Expert environnement et climat

FORÊTS

Une importante réforme du secteur a été engagée durant la Transition, notamment avec la relance de la révision du Code forestier, le statut paramilitaire en cours des agents, le retour au domaine des permis forestiers, le renforcement des Directions provinciales en équipements, etc. Toutefois, les tensions sociales restent récurrentes dans ce secteur, une raison pour favoriser le dialogue social, accroître l’intervention des inspecteurs généraux de service, avec des moyens requis et renforcer la lutte contre la corruption des agents. Sur le partenariat international, celui-ci doit être équitable comme le recommandent les plus hautes autorités.

Certes la période de Transition n’a peutêtre pas permis d’aller au coeur des dossiers et de recadrer un certain nombre de choses mais les 7 ans à venir doivent nous guider dans ce sens, car il y a beaucoup à redire sur ce partenariat. Au nom de la " dette contre nature " et malgré le quasi-échec de l’Accord de conversion de dette (ACD) avec la France, nous découvrons tous les jours de nouvelles initiatives où les financements sont levés ou en cours de l’être au nom du Gabon sans que l’on en maîtrise grandchose.

Cela a été notamment le cas de l’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale (CAFI), le Global Gateway de l’Union européenne, le Country Package de la France, BIOFIN du PNUD, le projet de financement pour la permanence ainsi que les obligations bleues " Blue Bonds ", avec l’ONG américaine The Nature Conservancy (TNC) etc. Revenons sur la première citée, CAFI. Cette initiative, née sous l’impulsion de la Norvège au lendemain de l’Accord de Paris, est une véritable nébuleuse avec quatre agences d’exécution internationales : AFD, TNC, PNUD et tout dernièrement WWF.

Toutes ces agences bénéficient de frais de gestion qui équivalent à près de 14% des sommes allouées. Il ne faut pas oublier le recyclage budgétaire qui consiste à surpayer leurs consultants internationaux au détriment de nos projets/programmes. L’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) en fait les frais à ce jour. Elle est victime des décisions qui sont prises à Londres et Genève et qui sont imposées au Conseil national climat, point focal de l’initiative. Il est également à noter que cette même initiative finance le secteur agricole au Cameroun et en RDC, mais sa feuille de route nous est imposée. Une invite donc aux autorités pour y jeter un regard ferme pour garantir l’équité dans notre partenariat et d’établir les mécanismes légaux relatifs audit partenariat.

Sur l’ANPN, il n’existe pas un trimestre sans que le portail de cette agence soit barricadé par son personnel, composé en grande partie d’écogardes et écoguides quant au paiement des salaires qui proviennent des Caisses d’allocation spéciale de l’État. La question qui se pose est celle-ci : jusqu’à quand l’État va-t-il supporter ce secteur porteur de l’écotourisme qui devrait être plus productif qu’il ne l’est aujourd’hui ? Une étude diagnostique approfondie de cette agence pour une stratégie de gestion à long terme, est plus que requise. Sur le conflit homme-faune (CHF), on peut apprécier le récent lancement des brigades chargées de la gestion de la chasse et de l’atténuation du conflit homme-faune qui ont pour mission, entre autres, de sensibiliser les populations, de contribuer à la construction des clôtures électriques et d’organiser les battues administratives, en collaboration avec les chasseurs.

On devrait aller plus loin dans les actions, au regard du nombre d’intervenants dans le secteur, à savoir les ministères des Forêts, de l’Intérieur, des Finances, de la Défense, les ONG et, bien sûr, les populations. Il faut pour cela la mise en place d’un opérateur étatique comme organe qui encadre tous ces intervenants et qui serait placé sous la haute autorité du chef de l’État. Il pourrait s’agir d’un Conseil national pour la gestion du conflit homme-faune. Par ailleurs, sur le volet de l’indemnisation des victimes, l’implication d’une assurance de l’État, comme la Direction nationale de l’assurance (DNA), serait très indiquée, comme ça se passe dans certains pays; à l'exemple du Costa Rica.

CLIMAT

Un organe institutionnel, le Conseil national climat, rattaché à la présidence de la République, avait été mis en place en 2010 pour traiter des questions climatiques. Quelques années plus tard, par le fait d’un individu, un département ministériel sur les mêmes questions a vu le jour jusqu’à date. Cette situation accroît et entretient le flou sur les compétences des deux entités. Pendant longtemps nous avions couru après " un gage de bonne conduite qui ne se mange malheureusement pas (dixit le PR à la COP28) " en voulant toujours être premier sur les questions de climat. Premier en REDD+ avant de se retirer, la ratification de l’Accord de Paris, le plan climat, les contributions déterminées au niveau national, la loi climat, etc.

Qu’a donc rapporté ce premier rang à une population d’à peine 2 millions d'habitants vivant à l'ombre d'un couvert forestier représentant 88% du territoire dont la séquestration en carbone constitue un puits net de plus de 100 millions de tonnes CO2 ? Par ailleurs, quid de cette affaire de carbone où sur 5 étudiants en QHSE, 4 diront ne pas savoir de quoi il s’agit alors qu’il est question du pétrole de demain ? Très simplement, il faudrait organiser le comité de gestion du Conseil national climat, lancer la préparation d’un programme national d’actions climatiques qui mettrait en lumière la vision sectorielle sur la question climatique, la comptabilisation des financements nationaux et sa base de données mise à jour, les partenariats requis ainsi que les plus-values nationales.

ENVIRONNEMENT

Secteur universel dans son pan économique, politique, social et diplomatique, son érection en département ministériel à part entière est à saluer. Plusieurs défis y restent à relever, à commencer par la réorganisation du département pour sortir de la seule super Direction générale de l’Environnement et de la Protection de la nature qui ne répond plus aux normes administratives requises.

Ensuite renforcer le partenariat avec les municipalités pour la gestion de tout type de pollution et déchet comme la question cruciale de Mindoubé. Passer en revue tous les textes légaux y existants en vue de leur actualisation. Renforcer et recadrer notre diplomatie environnementale sur plusieurs conventions auxquelles le Gabon a adhéré et prévoir un dialogue avec les partenaires sur leurs différents appuis au secteur.

En conclusion, faisons le bilan de notre passé dans la gestion de ces différents secteurs pour construire la Ve République en pensant à ce que cela rapporte à notre économie et par conséquent le bénéfice de nos populations.

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