Alors que la campagne Octobre Rose vient de débuter, certaines voix rappellent que derrière les rubans et les marches de sensibilisation, il y a un vécu douloureux, souvent incompris et parfois méprisé. C’est le cas de Samantha Menie Prateaux, 21 ans, fondatrice d’une association que l’État gabonais refuse de reconnaître, survivante d’un cancer et amputée d’un sein. Elle a pris la plume, en ce début de mois, pour livrer un témoignage aussi poignant que révolté.
« C’est avec un profond goût amer que je prends la plume aujourd’hui », écrit Samantha Menie Prateaux. À 21 ans, cette jeune femme a traversé l’épreuve du cancer, affronté l’ablation d’un sein et transformé sa douleur en un engagement citoyen. Depuis 2013, elle œuvre pour informer, soutenir et accompagner les malades. Mais derrière l’image de militante courageuse, elle confie désormais ressentir une lassitude profonde, née de l’indifférence, des attaques et de la stigmatisation.
« Je n’éprouve plus la même joie ni la même ardeur dans ce qui faisait battre mon cœur : aider, accompagner et informer les personnes touchées par le cancer », avoue-t-elle. Quatre années de combats contre la maladie et de luttes pour faire reconnaître son association se heurtent à des obstacles administratifs sans fin. « Notre dossier, perdu à maintes reprises, a englouti argent, énergie, confiance et sécurité », déplore-t-elle.
À cette fatigue institutionnelle s’ajoute la violence des regards et des mots. Samantha raconte les moqueries sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok, où certains tournent sa cicatrice en dérision. Elle s’indigne de voir des adultes détourner les campagnes de sensibilisation par des blagues sexistes, réduisant une cause vitale à des slogans vulgaires comme : « Sucer les seins, ça évite le cancer ». Ces railleries, elle les juge indignes et dangereuses : « Ce sont pourtant ces mêmes personnes qui, depuis des années, m’implorent d’aider leurs proches malades », s’étonne-t-elle.
La jeune survivante témoigne aussi de la cruauté des insultes reçues. « Demi-femme », « cancéreuse », autant de stigmates jetés à son visage. Elle s’indigne d’être réduite à une pathologie qu’elle n’a pas choisie, mais qu’elle a eu la force de vaincre. « J’ai tendu la main, j’ai ouvert des voies et offert des moyens pour soutenir et accompagner — mais certains de ceux que j’ai aidés m’ont causé de profondes blessures », confie-t-elle avec amertume.
Pour elle, Octobre Rose est devenu un mois douloureux. Derrière les foulards et tee-shirts roses, elle dénonce le « buzz » de façade. « Octobre n’est pas l’occasion de sortir vos plus beaux habits roses pour faire semblant de soutenir une cause. C’est un combat réel, un combat quotidien. Pour moi, Octobre a désormais le goût de la tristesse, de l’invisibilité, de l’amertume. »
Son témoignage est aussi une mise en garde contre la banalisation du cancer. « Ce que beaucoup font pour le buzz est, en réalité, le quotidien douloureux de milliers de femmes. Et vous vous en moquez. C’est dramatique », tranche-t-elle.
Mais malgré l’épuisement et le dégoût qu’elle exprime, Samantha conclut par un appel au sursaut collectif. « Faites-vous dépister, MESSIEURS ET MESDAMES. » Une phrase simple, mais lourde de sens, qui rappelle que le dépistage reste la première arme contre cette maladie qui tue encore trop de femmes au Gabon et ailleurs.
À travers son cri, Samantha Menie Prateaux met en lumière une vérité souvent occultée : la lutte contre le cancer ne se limite pas à un mois de rubans et de discours. Elle est faite de cicatrices, de solitude, de combats invisibles. Et d’une exigence : que la société apprenne enfin à regarder les survivantes avec dignité.
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