L'ancien Premier ministre tchadien Succès Masra, figure de l'opposition, a été interpellé tôt hier matin pour diffusion de messages d'"incitation à la haine" liés à des affrontements meurtriers la veille dans le sud-ouest du pays, a annoncé le parquet tchadien.
La veille, un "affrontement violent" avait fait des dizaines de victimes dans la région du Logone-Occidental (sud-ouest), selon le gouvernement. Un conflit entre des éleveurs peuls et des agriculteurs ngambayes autochtones sur la délimitation des zones de pâturage et d'agriculture dans le village de Mandakao serait à l'origine du bilan meurtrier, avait indiqué une source locale.
"Le bilan fait état de 42 victimes, majoritairement des femmes et des enfants", a déclaré le procureur de la République Oumar Mahamat Kedelaye lors d'un point presse hier en fin de matinée. "Les enquêtes menées par la police judiciaire ont révélé l'implication de M. Assyongar Masra Succès", a ajouté le procureur. "Des messages ont été diffusés, notamment sur les réseaux sociaux, appelant la population à s'armer contre d'autres citoyens", a-t-il précisé, sans révéler leur contenu ou si M. Masra en était l'auteur. "Ces actes graves sont constitutifs d'incitation à la haine, à la révolte des bandes armées, de complicité d'assassinat, d'incendie volontaire et de profanation des sépultures", a énuméré le magistrat.
Les Transformateurs, le parti de M. Masra, avaient évoqué dans un premier temps un "enlèvement" et diffusé un extrait d'une vidéo de caméra de surveillance montrant l'intéressé sortant de son domicile, encadré par plus d'une dizaine d'hommes en uniformes militaires et armés. Dans un communiqué de presse, le parti avait ensuite dénoncé une "action brutale, menée en dehors de toute procédure judiciaire connue (et) en violation flagrante des droits civiques et politiques garantis par la Constitution." Le magistrat a quant à lui indiqué que "la procédure judiciaire suit son cours et toutes les personnes impliquées devront répondre de leurs actes".
Succès Masra, originaire du sud du pays, appartient à l'ethnie ngambaye et bénéficie d'une large popularité auprès des populations du sud à majorité chrétiennes et animistes, qui s'estiment souvent marginalisées par le régime de N'Djamena majoritairement musulman. Économiste formé en France et au Cameroun, M. Masra, 41 ans, avait été nommé Premier ministre cinq mois avant l'élection présidentielle de mai 2024 à laquelle il s'était porté candidat, dans un duel inédit face au président élu Mahamat Idriss Déby Itno, proclamé vainqueur avec plus de 60% des suffrages. Son parti des Transformateurs avait ensuite boycotté les élections législatives, sénatoriales et locales.
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