Pour une large opinion, Esther ne renvoie pas au personnage biblique qui a sauvé le peuple juif d'un complot d'extermination. Il rappelle plutôt le souvenir du navire exploité par la compagnie Royal Coast Marine ayant fait naufrage dans nos eaux, le 9 mars 2023, en tentant de rallier Port-Gentil avec à son bord 161 passagers et des marchandises.
Plus de deux ans et 4 mois après cette tragédie qui a fait 30 morts, l'affaire a été appelée hier, pour la deuxième fois, devant le Tribunal correctionnel. Et comme la fois précédente, elle a été de nouveau renvoyée au jeudi 7 août prochain pour citation régulière des parties. Notamment l'Etat gabonais, en qualité de civilement responsable.
C'est donc "un procès historique", selon Me Martial Dibangoyi-Loundou. En ce que, après l'accident de la route (19 morts) survenu en 2003 au village Massika dans le nord de la province de la Ngounié et le crash en juin 2004 (19 morts également) de l'avion de Gabon Express, le naufrage d'Esther Miracle est la pire tragédie enregistrée dans notre pays.
À l'audience d'hier, les avocats ont donc été unanimes sur un point : la responsabilité civile de l'Etat, en tant que tutelle de la direction générale de la Marine marchande. Estimant que, sur un certain nombre d'événements, il serait utile que le Tribunal apporte un éclairage, du point de vue de l'instruction.
Tout comme leur confrère cité plus haut, Mes Anges Kevin Nzigou et Tony Serge Minko mi Ndong ont sollicité, pour leurs clients respectifs, la présence de l'Etat à l'audience, même à titre de renseignement, pour savoir ce qui n'a pas fonctionné quant à ce naufrage. "Il est curieux que des personnes poursuivies parce qu'ayant agi sous l'autorité de l'Etat comparaissent seules sans la présence de celui-ci", s'est indigné Me Minko mi Ndong. Non sans estimer que "ce qui est reproché à mes clients ne relève pas d'une responsabilité personnelle, mais plutôt d'une responsabilité attachée à leur statut d'agents de l'État". Se demandant "qui supporterait finalement les indemnisations en cas de condamnation, si l'État qu'ils servaient n'est pas partie au procès."
Me Anges Kevin Nzigou s'est voulu plus précis, en sollicitant du Tribunal correctionnel la comparution d'Alain-Claude Bilie-By-Nze, à l'époque Premier ministre et Brice Constant Paillat qui, au moment du drame, était ministre des Transports. Il avait d'ailleurs démissionné de son poste, par la suite. À l'écouter, "le naufrage d'Esther Miracle est un festival de dysfonctionnements techniques, administratifs et au niveau du dispositif national de secours".
L'avocat a insisté sur la nécessité de tenir cette audience en entendant aussi ceux qui étaient aux responsabilités, pour qu'ils expliquent, par exemple, pourquoi pour un naufrage survenu à 2 heures de la nuit, l'on n'ait activé aucun systême de secours jusqu'à 8 heures du matin.
Bien des voix s'accordent à dire que les morts enregistrés ce jour-là sont liés au fait que ceux qui étaient en responsabilité à cette époque n'ont pas assuré les secours dans les temps. Et Me Nzigou de se demander ce que représentaient les vies de nos compatriotes à ce moment-là...
Pour rappel, le naufrage d'Esther Miracle est survenu alors que le navire se trouvait dans les environs de la Pointe-Denis. L'enquête a pointé du doigt les défaillances du bateau et la complaisance de la Marine marchande, qui aurait accordé des faveurs à Royal Coast Marine pour exploiter son ferry. Celui-ci aurait bénéficié d'une certification de navigation délivrée le 16 novembre 2022 par le directeur général de l'administration précitée.
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