« Nous avons perdu Mbanie. Le drapeau gabonais ne flottera plus sur cette île. » Difficile d’être plus direct. Devant la presse nationale et internationale, Alain Claude Bilie-By-Nzé a livré un réquisitoire sévère contre la gestion par les autorités gabonaises du dossier Mbanie, îlot disputé avec la Guinée équatoriale et aujourd’hui placé sous souveraineté équato-guinéenne par la Cour internationale de justice (CIJ). Pour l’ancien Premier ministre, le Gabon n’a pas seulement perdu un territoire : il a perdu la face.
L’ancien chef du gouvernement affirme que cette affaire n’était « pas d’abord juridique ou judiciaire », mais avant tout un enjeu « politique et diplomatique ». À l’en croire, c’est sur ce terrain-là que le Gabon a perdu la bataille. « Nous avons manqué d’anticipation, de stratégie, et surtout de fermeté dans les relations bilatérales. » Il rappelle avoir rencontré Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, et Xavier Biard, alors ambassadeur du Gabon auprès des Nations unies, dans le cadre de cette affaire. Mais les signaux envoyés à la communauté internationale auraient été, selon lui, incohérents et faibles.
Bilie-By-Nzé ne mâche pas ses mots face à la communication gouvernementale, qu’il juge irresponsable : « Dire à notre population que nous avons gagné, alors que nous avons perdu Mbanie, c’est mentir au peuple. » Il s’inquiète surtout des conséquences géopolitiques de cette décision : « Mbanie est à quelques kilomètres de Cocobeach. Si demain, la Guinée équatoriale installe une base militaire sur l’île, que ferons-nous ? Ce serait une menace directe contre notre sécurité nationale. »
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L’ancien Premier ministre met aussi en question les récentes négociations évoquées par le pouvoir avec Malabo. Selon lui, l’opacité règne : « On nous parle d’un accord de coopération agricole, mais on ne sait pas ce que cela recouvre. De quoi s’agit-il exactement ? Quelles sont les contreparties ? Quelle en est la portée réelle ? »
Plus grave encore, il s’interroge sur le choix du président de la République de réserver sa première visite d’État à la Guinée équatoriale. « Quelle était l’urgence ? Pourquoi une telle priorité diplomatique, alors que ce pays a été directement impliqué dans l’affaire Mbanie et que des soupçons d’ingérence dans l’élection présidentielle circulent ? »
Bilie-By-Nzé pose une série de questions restées sans réponse : le contenu réel des accords en cours, la composition de la délégation gabonaise en négociation, les termes du dialogue bilatéral. Il appelle à une prise de parole directe du chef de l’État : « Ce dossier relève de la solidarité nationale. Ce ne sont pas les experts qui doivent nous parler. Ils ne sont pas élus. Le président, lui, doit des comptes au peuple. »
En filigrane de cette conférence de presse, c’est un appel plus large à la transparence et à la responsabilité qui transparaît. Évoquant également les affaires de détentions arbitraires et de saisies de biens liées à l’ancien régime, Bilie-By-Nzé réclame des procès clairs, ou des libérations immédiates : « Si des ministres sont en prison, qu’on les juge. S’il n’y a rien dans les dossiers, qu’on les libère. »
Il conclut sur une note de solidarité avec les populations évincées de leurs logements : « On ne peut pas promettre un renouveau démocratique et mettre les Gabonais à la rue. Nous n’avons peut-être ni or, ni argent, mais nous avons notre présence. Et nous serons présents auprès d’eux. »
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