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Économie

Gilles Nembe : "Ce qui apparaît aujourd'hui est le prolongement d'un ensemble d'actions ayant cours"

Gilles Nembe

L'Union : Quels sont les projets concernés par l'enveloppe de 1 600 milliards de FCFA conclue avec Afreximbank à Abuja ?

- Gilles Nembe : Je pense que nous devons revenir à l'annonce faite par le chef de l'État, Brice Clotaire Oligui Nguema, lors de son adresse à la Nation, le 31 décembre 2024. Il enjoignait au gouvernement de se focaliser sur trois grands projets : le port en eau profonde de Mayumba, la centrale hydroélectrique de Booué et le chemin de fer suivant le tronçon Belinga-Booué-Mayumba. Ce que nous voyons aujourd'hui est la concrétisation de ces efforts depuis plus d'un an, quant à la réalisation de ces projets. Abuja va en droite ligne dans cette volonté de mettre en exploitation nos grands gisements de fer que sont Belinga au nord-est et Baniaka au sud-est.

Quelle en sera la répartition par projet ?

- Nous devons déjà partir du principe que 1 600 milliards de FCFA, c'est juste un début. Il nous faut dans les 15 000 milliards de FCFA pour avoir l'ensemble de nos projets en exécution. Dans ce montant, il y aura bien sûr ces trois infrastructures, l'accompagnement de certains opérateurs dans la transformation du manganèse et, au-delà, dans la transformation de nos ressources minières. En sachant que le Gabon, pays souverain, a décidé de ne plus exporter du minerai brut pour le transformer localement.

Le Gabon aurait-il pris d'autres engagements dans la capitale nigériane ?

- Oui, le Gabon a pris d'autres engagements dans l'énergie. Il y a 200 millions de dollars qui sont dédiés à la mise en place des centrales énergétiques, ce sont des centrales thermiques qu'on va mettre en place pour l'utilisation domestique. A côté, nous aurons des infrastructures énergétiques beaucoup plus liées à la transformation minière.

Maboumine fait-il partie partie de ces projets ?

- Non ! Sur ce gisement polymétallique, nous avons des traces de radioactivité. Ce n'est donc pas un projet ordinaire. Le projet similaire serait celui de Comuf (Compagnie des mines d'uranium de Franceville, Ndlr) à Mounana, où il y avait de la radioactivité. Mais c'est un projet que nous gérons, il y a un opérateur qui s'est présenté et qui a prélevé plusieurs tonnes de minerais en cours d'analyse en ce moment. Ce projet devrait être de retour courant 2026-2027.

On en donc est-on encore là, alors qu'on en parle depuis longtemps !

- Il y a effectivement des choses qui ont été faites, il y a une quinzaine d'années, mais qui n'ont malheureusement pas été réalisées. Certains partenaires ne sont pas allés au bout de leurs engagements, estimant que cela ne correspondait plus à leur stratégie. Même si, entre-temps, le Gabon avait beaucoup investi en argent et autres pour que ce projet voie le jour. Mais nous apprenons du passé et nous essayons, du mieux que nous pouvons, de corriger les manquements observés.

Quel délai vous donnez-vous pour mettre en musique tout ce qui est prévu dans le cadre des accords conclus au Nigeria ?

- Il faut comprendre que nous n'avons pas commencé seulement aujourd'hui. En 2024, au FOCAC (Forum sur la coopération sino-africaine, Ndlr), nous discutions déjà de ces projets. De même, nous avons eu plusieurs équipes d'experts qui sont venus au Gabon pour des reconnaissances sur le terrain, ils ont remonté des informations liées à ces projets. Ce qui apparaît aujourd'hui n'est que le prolongement d'un ensemble d'actions qui avaient cours, mais sur lesquelles il n'y avait pas eu de communication extensive. Maintenant, sur ces éléments, les équipes d'Afreximbank, notre partenaire principal, et de plusieurs autres opérateurs sont sur le terrain pour regarder les différentes études à faire et voir comment, dans l'ensemble de l'industrie, amener ces projets là où nous souhaitons.

Où en justement le projet de chemin de fer Belinga- Booué-Mayumba ?

- Je commencerai par dire que le Gabon a des gisements exceptionnels. Celui de Belinga est un gisement de classe mondiale qui a une teneur de l'ordre de 68% de fer, avec une capacité d'au moins 4 milliards de tonnes. Pour Baniaka, nous avons aujourd'hui 700 millions de tonnes certifiées avec environ 30% de sondage. C'est un gisement qui finira autour de 2,1 milliards de tonnes. En prenant les deux gisements, nous sommes à plus de 6 milliards de tonnes. Le gisement de manganèse que Comilog exploite aujourd'hui, sur le plateau Okouma, est également remarquable. De façon générale, la teneur des gisements de manganèse oscille autour de 30 à 35%. Là, nous sommes autour de 46 à 47%, nous avons donc déjà 10 à 12 ponts de plus en teneur que ce qui se fait ailleurs. Le Gabon a des gisements exceptionnels qui ne sont pas situés sur la côte. Il faut être capable de les prendre et de les ramener sur la côte.

Et donc ?

- La double thématique que nous avons, est que notre chemin de fer actuel a une capacité limitée, avec une seule voie sur laquelle nous n'avons pas de voies de service, sur laquelle la longueur des trains est limitée et qui a une capacité d'expédition de 11 à 12 millions de tonnes. Quand on parle de Belinga et Baniaka, nous devons expédier 100 millions de tonnes. Ainsi faut-il multiplier notre capacité. Pour vous donner un aperçu de ce que cela représente : un bateau minéralier, en termes de longueur, fait plus de 300 mètres. Ce sont des bateaux qui sont plus longs que les porte-avions américains les plus importants. Les trains minéraliers dont on parle, ont une longueur de 3 km. Les projets que le chef de l'État pousse à engager aujourd'hui font partie des 30 projets les plus importants sur le plan économique à l'échelle internationale. Et parmi eux, il y en a 10 ou 15 qui sont des projets publics. Nous avons commencé des études depuis plusieurs mois, sur les trois projets. Mais il faut faire attention à ne pas faire trop d'études parce que, lorsque le partenaire viendra, il voudra les refaire.

Qu'en est-il précisément de ces études et des consultations environnementales ?

- Nous avons des études de faisabilité, nous savons ce que cela va coûter par segment de projet. L'ensemble des trois projets c'est entre 17 et 20 milliards de dollars. Ensuite, nous rajoutons la transformation, avec l'énergie qu'on créera pour ça. Ce qui donne une enveloppe globale autour de 25 milliards de dollars. Ne regardons pas ces projets par rapport à ce qu'ils vont coûter, mais plutôt ce que cela va rapporter. Quand nous avons commencé ce cheminement, la question était de savoir comment le Gabon peut se payer ça. Je vous dis de suite que ce ne sera pas sur le budget de l'État qui ne doit pas être utilisé pour des choses qui vont rapporter de l'argent par elles-mêmes. Le budget de l'État devrait être plutôt axé sur la santé, l'éducation, la sécurité, etc. Un projet qui rapporte 15 ou 20% de retour sur investissement n'a rien à faire dans le budget de l'État. Ce sont des financements privés qui viendront pour contribuer à la mise en oeuvre de ces projets.

Il y a donc des raisons de rêver grand sur le plan économique ?

- Nous comptons réaliser une ligne ferroviaire à deux voies pour expédier annuellement 100 millions de tonnes de fer. Aujourd'hui, la tonne est à 100 dollars. En termes de gain, nous serons à 10 milliards de dollars. Le Code minier dispose que le Gabon a au moins 10% de ce qui est produit. Tout compte fait, chaque année, notre pays va toucher au minimum un million de dollars. Sachant que la période d'amortissement est de l'ordre de 20 à 25 ans, nous pouvons mesurer ce que le Gabon va gagner. Nous avons donc le moyen de nous payer ces infrastructures sans endetter la nation. Ces projets vont créer des emplois, des activités et des infrastructures diverses. Au demeurant, nous avons plusieurs horizons pour réaliser tout cela. Il faut que le port de Mayumba voie le jour dans les trois prochaines années. L'avantage est juste à côté de cette infrastructure, nous avons deux grandes mines : la potasse de la Banio et le gisement de fer de Milingui. Le chemin de fer qui partira de Belinga pour Booué, dans un premier temps, permettra d'évacuer une partie de la production de Belinga vers le port d'Owendo, en sachant que, dès l'année prochaine, une partie de la production de Baniaka va aller vers l'infrastructure portuaire précitée. Donc, entre Belinga et Baniaka, il y a 10 à 15 millions de tonnes qu'on est capable d'acheminer d'ici 3 ans, voire 4 ans. Le dernier volet est de partir de Lastoursville jusqu'à Mayumba, c'est quelque chose que nous allons mettre en place d'ici 5 ans. Nous sommes sur un calendrier extrêmement agressif.

Quel rôle jouera le secteur privé dans la réalisation du port de Mayumba ?

- Il aura une place primordiale. Sans le secteur privé, il nous sera difficile de faire le port de Mayumba. Ce qui permet finalement à ce projet d'être économiquement rentable est le fait qu'il est à proximité de deux gisements miniers importants. Indépendamment de toutes les autres infrastructures, Mayumba devient rentable juste avec ces deux projets miniers. Quand nous regardons le chemin de fer et la centrale hydroélectrique de Booué, le secteur privé est également impliqué. La vision du gouvernement est que, pour des projets qui ont un fort retour sur investissement, quand c'est au-delà de 15%, le secteur privé devrait être en tête de gondole et que l'argent de l'État serve à développer toute l'infrastructure sociale et sociétale

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Retrouvez l'interview complète dans L'Union du 4 Juillet 2025 sur le Kiosque Sodipresse

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