L'Union . La Taxe d’habitation va être appliquée dès janvier 2026. Pourquoi maintenant et dans quel objectif ?
-Eric Boumah : Effectivement, dans les prévisions de la Loi de finances pour l’année 2026, figure la Taxe forfaitaire d’habitation (TFH). La création d’une taxe est un des leviers dont dispose l’État pour financer les dépenses publiques. Ainsi, pour poursuivre les travaux déjà entamés depuis la Transition, le gouvernement a besoin de ressources supplémentaires. Ces ressources serviront à financer les services publics essentiels notamment, les voiries urbaines, l’éclairage public, les services de proximité, etc. De même, la mise en oeuvre de la politique de décentralisation nécessite une mobilisation des moyens financiers. La TFH fait partie de ces solutions qui permettront à l'État de doter les collectivités locales des ressources financières nécessaires destinées à leur fonctionnement.
Beaucoup ne comprennent pas l’origine de cette taxe. Est-elle nouvelle ?
-La Taxe forfaitaire d’habitation n’est pas une nouvelle taxe. Elle existait déjà dans notre système fiscal, on la retrouve dans la loi n°027/2008/PR du 22 janvier 2009 portant Code général des Impôts. Elle avait été supprimée lors de la réforme de la fiscalité foncière intervenue en 2022 avec l’adoption de la Contribution foncière unique (CFU). Il faut également préciser que la TFH n’est pas une invention gabonaise. Elle existe dans plusieurs pays comme le Togo, le Congo ou le Maroc.
De façon concrète, qui sera concerné dans la première phase et comment cela va se passer ?
-Sont imposables à la TFH, les propriétés immobilières bâties, qu’elles soient à usage d'habitation ou à usage professionnel. En d’autres termes, la TFH est due pour les locaux servant de logement (maisons, appartements, studios, chambres américaines, logements administratifs) ou les constructions utilisées pour exercer une activité professionnelle (box, bâtiments, immeubles). Elle sera donc payée par les occupants de ces biens immeubles bâtis, soit en tant que propriétaires, soit en tant que locataires. Le montant de la TFH est déterminé de façon forfaitaire. Il s’agit d’un droit fixe prélevé en fonction de la zone géographique où est situé le bien immeuble bâti. La TFH est un montant forfaitaire déterminé en fonction des zones réparties selon le niveau d'urbanisation et de l'offre des services publics essentiels. On tient également compte de la capacité du compteur en kilowatt. Ainsi, le Grand Libreville, par exemple, est délimité en quatre zones et les montants de la TFH à payer varient de 30 000 FCFA à 1 000 FCFA. Permettez-moi de préciser que ne sont pas concernés par le paiement de la TFH, les écoles, les universités, les bâtiments publics, les lieux de culte, les campus et internats, les personnes détentrices des compteurs sociaux, etc. De même, les zones rurales ne sont pas concernées par le paiement de cette taxe.
Pensez-vous avoir suffisamment sensibilisé les Gabonais avant la décision de la mise en application ?
-La mise en place d’un nouveau prélèvement n’est pas souvent bien accueillie, les inquiétudes et les interrogations fusent de partout. Cependant, comme vous avez pu le constater, depuis quelques jours, le gouvernement sensibilise les citoyens sur les nouvelles dispositions fiscales qui vont s’appliquer dès l’entrée en vigueur de la Loi de finances pour 2026 au mois de janvier. Ces actions de sensibilisation vont donc s’intensifier à partir de janvier 2026. Aussi, l’exercice auquel nous nous prêtons actuellement s’inscrit dans ce cadre. L’État dit vouloir rechercher 22 milliards de francs pour garantir l’équilibre contributive.
N’est-ce pas une échappatoire en passant par ce mécanisme ?
-Pour mobiliser les ressources nécessaires au financement des dépenses publiques, l’État peut utiliser plusieurs mécanismes comme l’emprunt, l’optimisation des impôts existants ou la création de nouveaux impôts. Et c’est ce dernier choix, à savoir la création de nouveaux prélèvements qui a été retenu. Ce n’est donc pas une échappatoire dans la mesure où l’État exerce ses prérogatives de puissance publique.
Craignez-vous un manque d’adhésion des Gabonais ?
-Pour mieux collecter les impôts et taxes, il est toujours utile d’avoir l’adhésion des contribuables. Cette adhésion passe par les campagnes de communication et de sensibilisation pour susciter le consentement à l’impôt. Une des raisons qui a conduit le gouvernement à créer cette taxe est d’inciter les Gabonais à l’effort collectif et de susciter ainsi une adhésion progressive au paiement de l’impôt. Le gouvernement veut que les Gabonais prennent l’habitude de payer leurs impôts de manière volontaire. Comme nous savons que payer ses impôts n’est pas aisé, l’adhésion des contribuables au paiement de la TFH nécessite que la direction générale des Impôts fasse oeuvre de pédagogie. Le choix de la SEEG comme collecteur pose problème.
Le DGI ne dispose-t-elle pas aujourd’hui de moyens pour recouvrer cette taxe ?
-Une bonne collecte des impôts fonciers nécessite une bonne localisation des contribuables. Dès lors, l’urbanisation et les données d’adressage fiables sont importantes. Or, nous savons que notre pays est faiblement urbanisé. Ce qui rend difficile la collecte des impôts fonciers. D’où le recours au mécanisme des impôts indirects, c'est-à-dire un intermédiaire est désigné pour collecter la taxe pour le compte de l'administration fiscale et de la reverser au Trésor public. L'intermédiaire ici étant la Société d'énergie et d'eau du Gabon (SEEG), qui collecte déjà d'autres impôts pour le compte de l'État (TVA, CSS, la taxe sur les ordures ménagères). Ce mécanisme est gage d’efficacité et de transparence, car il permet d’atteindre un grand nombre de contribuables qui, au regard des conditions actuelles, ne se seraient pas acquittés de la taxe. C’est un instrument puissant de mobilisation des recettes fiscales.
Justement, avec la Redevance audiovisuelle, la taxe sur les ordures ménagères, les factures d’électricité, les télécommunications, les produits pétroliers, la TFH n’est pas la taxe de trop ?
-Nous sommes dans une nouvelle ère qui appelle à un effort collectif, comme nous le disions tantôt. Le gouvernement essaie de trouver des niches fiscales pour accroître les recettes qui permettront de financer les infrastructures pour améliorer le cadre de vie des Gabonais tels que l’éclairage public, le bétonnage et le bitumage des voiries, l’aménagement des bassins versants, etc. Il ne s’agit donc pas d’un impôt de trop.
Sachant qu’elle existe depuis belle lurette, pensez-vous que le contexte est plus adapté pour sa mise en application ?
-Au risque de me répéter, le contexte actuel, à savoir l’état de nos finances publiques qui sont, en grande partie, absorbées par le service de la dette, nécessite une mobilisation plus accrue de nos recettes propres pour assurer le bien-être des Gabonais.
Votre mot de fin ?
-Nous sommes dans une ère nouvelle. Certes, il y a des manquements quant à l'offre des services publics de proximité tels que l'accès à l'eau courante, l'assainissement de l'environnement immédiat, le ramassage des ordures. Cependant, la mise en oeuvre de la politique de décentralisation nécessite une mobilisation des moyens financiers. La TFH fait partie de ces solutions qui permettront à l'Etat de doter les collectivités locales des ressources financières nécessaires destinées à leur fonctionnement. Par ailleurs, au regard des enjeux du moment, chaque citoyen doit participer à l'effort collectif pour la construction de la Nation.
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