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Société & Culture

Dr Olivier Rebienot Pellegrin : “Notre priorité reste la branche retraite"

Directeur général de la CNSS, Dr Olivier Rebienot Pellegrino.

L’Union• Monsieur le directeur général, la CNSS a 50 ans. Quel est votre diagnostic aux plans administratif, financier et opérationnel ?

-Dr Olivier Rebienot Pellegrin : Les 50 ans de la CNSS constituent un moment symbolique, mais surtout une opportunité d’introspection. Depuis 2024, nous avons engagé une série de réformes fondées sur les audits de la Cipres, les travaux de la task force et les recommandations de la Commission tripartite en charge de la restructuration de la CNSS. L’objectif est d’adapter notre Caisse à son environnement interne et externe. Les comptes, notamment ceux de l’exercice clos de 2024, ont été certiés par les commissaires aux comptes et présentés au Conseil d’administration et à la Cipres. Ce qui constitue un progrès majeur en matière de transparence. Nous avons aussi renforcé la gouvernance en misant sur le contrôle et la conformité des opérations, la modernisation des procédures financières, l'assainissement du fichier des pensionnés et la réduction, de manière considérable, des paiements indus liés à la fraude grâce à la bancarisation et à la double vérification des droits payés. Toujours en 2024, nous avons, sur la branche pension vieillesse invalidé décès (PVID), payé 40 448 bénéficiaires et ouvert 4 267 nouveaux droits, exclusivement par voie bancaire. Pour 2025 en cours, nous avons ouvert, à ce jour, 4 749 nouveaux droits. D’un point de vue administratif, nous avons relancé le système de management par la qualité, mis à jour toutes les procédures de travail et relancé les revues de performances. Nous avons aussi fait un recensement biométrique du personnel, permettant de constater un écart entre l’effectif théorique de départ et l’effectif réel à la fin de l’opération. En somme, cette opération nous a permis de voir la masse salariale diminuer de 2 %. Et d'elle, nous avons pu constater que seul 9 % de l’effectif étaient formé aux métiers de la sécurité sociale et 13 % à ceux de la santé, le reste de l’effectif étant formé dans les métiers supports. Ce qui a conduit la direction générale dont j'ai les rênes à rouvrir le Centre de formation de la CNSS, pour reconvertir les agents dans les métiers de la sécurité sociale, afin d'améliorer la qualité de service.

La CNSS a souffert d’une gouvernance perfectible et de textes obsolètes. Qu’avez-vous fait pour restaurer la transparence et la confiance ?

-Nous avons appliqué strictement les nouveaux statuts de la CNSS pris par le gouvernement en 2024, et les textes de la Cipres, qui prévoient que le processus administratif soit encadré par trois acteurs, à savoir l’État, les employeurs et les travailleurs. Le Conseil d’administration supervise pleinement nos actions et m’a confié un mandat avec des objectifs précis. En interne, il s’appuie sur 5 commissions permettant d’encadrer les activités de la Direction générale. Les commissions et le Conseil d'administration quant à aux rendent compte au ministère de tutelle. D’un point de vue réglementaire, le ministère de tutelle travaille sur plusieurs décrets qui nous permettront de moderniser nos méthodes de travail.

La fraude interne et externe, les fausses immatriculations, la surfacturation et les dossiers fictifs ont fragilisé la CNSS. Quelles actions ont été engagées pour annihiler durablement tous ces maux ?

-La fraude existe dans tous les systèmes de sécurité sociale, même en Europe. La question n’est pas de l’ignorer, mais de la maîtriser. Nous avons mis fin aux paiements en espèces, instauré les chèques barrés et généralisé les paiements bancaires. Cela garantit que le bon bénéficiaire est payé et permet de détecter rapidement les décès. La bancarisation a permis de rediriger les ressources vers les véritables bénéficiaires et d’éviter les paiements indus : plus de 1 000 chèques non récupérés ont été détruits pour des prestations qui, auparavant se payaient en espèces.

Les dettes croisées et les cotisations impayées pèsent sur la trésorerie. Quelles solutions avez-vous initiées pour rétablir l’équilibre ?

-À notre arrivée, la dette de la CNSS a été stratifiée : dettes pour les fournisseurs, dettes de prestations gelées, dettes de rappels et dettes scales. Il existait également des dettes sociales vis-à-vis du personnel pour les reclassements et réclamations. Aujourd’hui, la situation s’est améliorée, nous avons baissé la dette de 40%. Nous payons progressivement et en flux continu, sans accumuler de stocks inutiles. Chaque jour, de nouveaux retraités entrent dans le système et des prestations sont créées, ce qui nécessite une gestion dynamique des flux. Nous avons aussi contracté nos dépenses de fonctionnement en contrôlant nos charges fixes notamment : les frais de téléphone, vérifier nos compteurs d’électricité, et audité nos frais de carburant etc. Par ailleurs, nous avons revu à la baisse les frais de mission et de déplacement au strict nécessaire.

Le secteur informel reste faiblement couvert. Comment comptez- vous l’intégrer davantage au système de sécurité sociale ?

-Trois décrets sont en préparation : celui sur le régime des travailleurs mobiles indépendants, qui englobera l’ensemble des professions libérales et indépendantes telles que les commerçant ; celui sur le régime de retraite complémentaire pour les personnes ayant des revenus supérieurs au plafond de cotisation, et celui qui établira le compte épargne chômage pour permettre aux Gabonais ayant perdu leur emploi de bénéficier d’une aide temporaire pendant leur recherche d’emploi. Ces mesures permettront à terme une extension significative de la couverture sociale.

Les retards de paiement des pensions provoquent souvent des mouvements d'humeur de la part des retraités. La situation est-elle stabilisée ou y a-t-il encore des fragilités ?

Les mouvements ont cessé. Nous avons priorisé les retraités qui ont cotisé toute leur vie et qui sont donc prioritaires. En 2024, nous avons payé près de 31 % des droits en souffrance et aujourd’hui environ 40 %. Nous prévoyons de solder d’ici fin 2025 les prestations de maternité, notamment les indemnités journalières et une partie des arriérés d’allocations vieillesse. Pour les autres droits, un plan d’apurement est en cours et devra faire l’objet d’une adoption par le Conseil d’administration.

Certaines prestations restent difficiles d’accès. Que faire pour améliorer l’efficacité et la rapidité des services ?

-Effectivement nous avons priorisé les retraités. Une fois la réforme structurelle adoptée, ces délais seront rééquilibrés. Et les prestations seront soldées en temps et en heure.

Quelles réformes prioritaires avez vous engagées pour moderniser la CNSS et assurer sa viabilité ?

-Nous avons renforcé la gouvernance et les procédures de contrôle; modernisé les procédures de gestion financières et comptables ; assaini le fichier du personnel et instauré la bancarisation des prestations. Nous avons aussi revu la matrice de toutes les habilitations dans le système de liquidation des prestations, et avons entamé la digitalisation des processus internes. En outre, nous avons mis en ligne les données qui permettent aux assurés de consulter leur carrière, de télécharger leurs attestations et de signaler des erreurs. Les entreprises peuvent également vérifier leurs comptes cotisants, immatriculer, déclarer et radier leurs salariés. À ce jour, plus de 25 000 assurés et près de 8 500 entreprises sont déjà connectés. Les agences continuent d’accompagner gratuitement ceux qui ne maîtrisent pas encore les outils numériques.

Pourquoi est-il nécessaire d’ajuster le taux de cotisation, le taux d’annuité et l’âge de départ à la retraite ?

-C'est pour permettre à chaque branche de financer ses prestations. La branche retraite est en déficit : nous collectons 60 milliards et payons 115 milliards en pensions. Tant que cette branche ne sera pas rééquilibrée, tout le système restera sous tension.

-Quelle est la situation des anciens agents des hôpitaux rétrocédés à l’État ?

-La rétrocession des hôpitaux à l’État a été décidée par décret en 2012. La CNSS a entièrement dédommagé les anciens agents. Certains ont saisi les tribunaux, jusqu’au Conseil d’État, qui a enjoint à l’État de prendre ses responsabilités. La CNSS, sauf erreur de ma part, n’est plus concernée par de nouveaux dédommagements. Pour les agents n’ayant pas engagé de procédures, nous avons travaillé au cas par cas sur leurs droits à pension.

Qu’en est-il des investissements et de la valorisation du patrimoine de la CNSS ?

-Aujourd’hui, nous ne faisons pas d’investissements lourds comme souhaité par nos instances de contrôle. Nous travaillons à valoriser et identifier le patrimoine existant, en distinguant ce qui est utile et ce qui ne l’est plus. Le seul projet en cours est la construction d’un nouveau siège via une levée de fonds par une société de la place, validée par le Conseil d’administration.

Pour les 10 prochaines années, quelles sont vos grandes priorités et quel message à vos assurés, retraités et partenaires sociaux, à l’occasion de ce cinquantenaire ?

-La CNSS est là depuis 50 ans et continuera à remplir ses missions tant qu’il y aura des travailleurs et des entreprises. Notre priorité reste la branche retraite, mais nous poursuivrons également les réformes de gouvernance, la digitalisation et l’extension de la couverture sociale. La CNSS continuera d’accompagner les assurés, les retraités et entreprises dans la durée. À cette occasion, je remercie toutes ces parties prenantes pour leur accompagnement et leur confiance.

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