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Économie

Cécile Abadie : "Je souhaite réaffirmer que nous sommes tout à fait sensibles aux préoccupations du Gabon"

Cécile Abadie assure que l’UE peut contribuer au développement de plusieurs secteurs.

L'Union. Au terme du Forum économique forestier, comment l’Union européenne envisage-telle de soutenir la mise en oeuvre des recommandations issues de ce forum, notamment en matière de transformation locale du bois, d'innovations technologiques et énergétiques ?

- Cécile Abadie : Les conclusions du Forum doivent encore être finalisées avec les deux ministères organisateurs, mais les entreprises, comme l’administration gabonaise, ont fait de bonnes propositions concernant des mesures d’accompagnement pour l’avenir et des solutions pratiques à court terme pour maintenir l’activité et protéger l’emploi. En effet, les entreprises font état de coûts de production élevés qui freinent leur capacité à investir. Quels que soient les choix opérés par l’Etat, l’UE a d’ores et déjà alloué 9 millions d'euros (près de 6 milliards de francs, Ndlr) d’appui au secteur forêt/bois, conçu de manière flexible pour répondre aux besoins, que ce soit par exemple de l’analyse de marché, de l’appui technique ou du conseil stratégique, pour un modèle forestier plus performant. Ce programme est une traduction concrète du Partenariat pour les forêts signé en novembre 2024, à l’occasion de la visite du président de la République à Bruxelles.

Jusqu'où l'Union européenne pourrait-elle appuyer le Gabon dans l'accroissement de son industrie du bois ?

- Face à un marché international fluctuant, les marchés continental et national offrent de nouvelles perspectives d'avenir, qui permettraient une diversification économique. Pour davantage de transformation, le défi est de stimuler la compétitivité des entreprises, notamment des entreprises gabonaises parfois vulnérabilisées en raison d’un modèle devenu plus capitalistique. Si l’État met en place des structures d’accompagnement, notre programme d’appui leur délivrera de l’assistance technique et pourra aider à l’instauration d’un environnement plus propice à l’investissement, notamment sur l’innovation, la logistique, la fiscalité ou la formation professionnelle, selon les priorités que nous définirons ensemble avec le gouvernement.

Quels sont les nouveaux domaines d’intervention prioritaires pour l’UE au Gabon ?

- L’Union européenne accompagne certains secteurs depuis longtemps, dans la durée. Mais être fiable, c’est aussi savoir rester à l'écoute des besoins, se remettre en question et innover pour avoir davantage d’impact. Dans ce contexte, assurément, notre principal objectif est de maximiser le potentiel de notre appui aux investissements à travers l’approche Global Gateway qui permet de combiner subventions et prêts pour des conditions d’investissement beaucoup plus attractives. Plus spécifiquement, nous nous intéressons beaucoup au secteur de l’énergie, vital pour la population comme pour la transformation économique. Ce secteur demande l’attention de tous les partenaires et nous ferons notre part.

Quels sont les projets phares que l’UE prévoit de financer dans les prochaines années pour appuyer la transition verte et la création d’emplois durables au Gabon ?

- Nos axes d’intervention ont été choisis en coordination avec les départements ministériels concernés et en consultation avec une diversité d’acteurs sur le terrain. Notre approche stratégique est de combiner des appuis substantiels sur les infrastructures durables, par exemple pour valoriser le potentiel hydroélectrique, avec plusieurs soutiens plus ciblés, à plus petite échelle, qui accompagnent de nouvelles filières. Ces projets soutiendront l’émergence d’un tissu économique local, créateur d’emplois décents, dans le secteur agricole, en particulier la filière cacao que le gouvernement souhaite relancer, ou encore dans l'éco-tourisme.

Comment l’UE compte-t-elle renforcer la coordination avec les autres partenaires techniques et financiers pour éviter les doublons et maximiser l’impact des projets ?

- Les échanges entre partenaires sont fréquents et essentiels car nos approches et nos outils peuvent être très complémentaires. Global Gateway permet justement des programmes communs entre l’Union européenne, qui délivre une aide non remboursable, et des institutions financières du développement qui octroient des prêts. Dans le domaine de l’appui aux investissements, le travail conjoint est donc déjà une réalité. Le gouvernement souhaiterait institutionnaliser davantage la coordination des partenaires avec des groupes thématiques, autour des priorités du Plan national de croissance et de développement. L’Union européenne a déjà affirmé qu’elle s’y investira pleinement. Il est aussi intéressant, de mon point de vue, de mettre autour de la table les partenaires institutionnels et les investisseurs privés qui ont vocation à travailler davantage ensemble, pour une optimisation des financements.

Le Gabon a dénoncé en juin 2025 l’accord de pêche UE-Gabon, invoquant un déséquilibre économique et l’absence de retombées locales. Dans la perspective d’une éventuelle renégociation, quelles garanties l’Union européenne est-elle prête à donner pour que tout futur accord garantisse : (i) une juste redistribution des revenus de la ressource, (ii) un développement effectif de la filière thonière gabonaise (transformation, emplois, formation) et (iii) un contrôle transparent des navires européens afin d’éviter toute pêche illégale ou de la sur capacité ?

- Depuis la notification par le Gabon, en juin dernier, de son intention de dénoncer l’accord de pêche, des discussions sur l’avenir de cet accord de pêche ont été initiées entre l’Union européenne et le Gabon. Nous ne pouvons pas, à ce stade, préjuger de leur issue, mais je peux fournir quelques clarifications sur les enjeux.

Tout d’abord, les accords de pêche sont conclus par l’Union européenne dans le cadre de règles qui assurent la totale transparence des activités de la flotte européenne et la durabilité des ressources. Les informations relatives à ces accords sont publiques et accessibles à tous, sur le site de la Commission européenne, comme par exemple le nombre d’autorisations de pêche octroyées aux navires européens et leur montant ainsi que les conditions techniques encadrant leurs activités de pêche et les sanctions qui s’imposeraient en cas de non-respect. La transparence de l’activité de la flotte européenne est par ailleurs assurée par le suivi satellitaire, les déclarations électroniques de captures, et le rôle primordial des autorités gabonaises dans la délivrance des autorisations.

À ce jour, aucune infraction de la flotte européenne n’a été relevée lors d’activités menées dans le cadre de l’accord de pêche Union européenne-Gabon. Il est utile de rappeler que la flotte européenne ne peut pêcher que le surplus, c’est-à-dire la part des ressources non exploitées par la flotte gabonaise, clairement défini par l’avis scientifique des organisations régionales de la gestion de pêche.

Le Gabon et l’Union européenne ont accès aux mêmes informations scientifiques, car nous appartenons tous deux à l’organisation régionale qui surveille la conservation des thonidés de l’Atlantique, l’ICCAT. Cela permet de définir des quotas qui assurent une gestion durable des stocks. Pour aider le Gabon à lutter contre la pêche illégale, nous avons soutenu, via le volet "appui sectoriel" de notre accord, les capacités du Centre de surveillance des pêches, que j’ai d’ailleurs visité tout comme la Brigade des pêches de Mayumba.

Je souhaite réaffirmer que nous sommes tout à fait sensibles aux préoccupations du Gabon et partageons son objectif de maximiser l’impact sur l’économie locale. Nous souhaitons travailler avec les autorités gabonaises pour identifier les causes du manque d’interactions entre la flotte européenne et les opérateurs locaux, notamment les potentiels besoins en infrastructures. Notre appui sectoriel peut soutenir cet objectif et donc contribuer au développement du secteur, dans les limites financières qui sont les siennes.

En effet, c’est le Gabon qui détermine, dans la concertation avec l’Union européenne, les priorités de cet appui et qui assure ensuite la bonne exécution. Notre nouveau programme régional "Océan durable et économie bleue en Afrique centrale" constitue aussi une opportunité supplémentaire de soutenir l’économie bleue au Gabon. Notre objectif demeure de négocier un accord sur le principe " gagnant-gagnant " afin que les intérêts de chaque partie soient pris en compte. Mais comme je l’ai dit, les consultations n’en sont qu’à leur début.

En novembre 2024, l’Union européenne a accordé une subvention de 30 millions d’euros au Gabon pour la modernisation du Transgabonais. Quelles garanties l’UE exige-t-elle pour que ce transport stratégique soit réellement accessible aux petits producteurs et ne serve pas uniquement aux multinationales du bois ou du manganèse ? Où en est le niveau de remise à niveau de la voie ferrée ?

- L’Union européenne n’avait jusqu’ici pas été partie prenante du programme de remise à niveau du Transgabonais. Il m’est donc difficile de commenter les efforts faits au cours des dernières années. S’agissant du nouveau programme conjoint Union européenne - Agence française de développement, que nous inaugurerons prochainement ensemble, avec les autorités gabonaises, son objectif est de restaurer la capacité du Transgabonais, améliorer la sécurité et garantir un accès équitable à tous les usagers : secteur minier, secteur forestier et passagers. D’un côté, disposer d’une infrastructure ferroviaire de qualité, fiable, durable, résiliente et qui favorise l’essor de l’industrie. Mais, par ailleurs, l’accessibilité renforcée de la ligne pour tout type de passager est un objectif essentiel du programme pour soutenir le désenclavement économique.

Le Fonds européen de développement (FED), l'instrument financier de l'Union européenne pour la coopération au développement avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et les pays et territoires d'outre-mer (PTOM), a été remplacé par L'IEV-DCI. Quelles sont les conséquences pour le Gabon ?

- Le principal atout de l’instrument " Global Europe " qui couvre différentes zones géographiques est la flexibilité que cet instrument nous offre car les enveloppes pays sont moins rigides. C’est à l’avantage d’un pays comme le Gabon puisque c’est de plus en plus la qualité des projets qui prime et non seulement les indicateurs sociaux-économiques. Il y a eu également un accent massif mis sur les investissements à travers Global Gateway, une opportunité que nous avons pu saisir pour le Gabon, et des innovations du côté des outils avec par exemple l’octroi de garanties qui peuvent soutenir l’investissement privé.

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