...Louis Léandre Ebobola Tsibah : "La plus importante demeure l’enquête nautique (...) qui a pour but d’établir les causes de l’accident"

...Louis Léandre Ebobola Tsibah : "La plus importante demeure l’enquête nautique (...) qui a pour but d’établir les causes de l’accident"

L'Union : Au lendemain du naufrage, le gouvernement a annoncé des enquêtes. Quelle est selon vous, ancien directeur des Gens de mer de la navigations et de la Sécurité maritime à la direction générale de la Marine marchande, l’importance de ces enquêtes dans ce genre de situation ?

 

Louis Léandre Ebobola Tsibah : Je tiens d’abord à souligner que le domaine maritime est assez spécifique. Il est régit par les conventions internationales de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) auxquels les Etats adhèrent librement et ont par la suite le devoir de les traduire en droit positif national. Ce sont les événements de mer les plus douloureux qui font évoluer le droit maritime international et entraînent les réformes institutionnelles au niveau des Etats. Le Gabon est membre de l’OMI depuis le 1er janvier 1976. Il est partie à l’ensemble des instruments de coopération maritime les plus pertinents de cet organisme spécialisé des Nations unies pour les questions relatives aux transports maritimes. Ensuite, qu’il s’agisse de la sauvegarde de la vie humaine en mer (Safety Of Life At Sea : SOLAS), de la Recherche et du sauvetage (Search And Rescue : SAR) pour ne se limiter qu’à ces deux exemples, notre pays devrait à minima se conformer aux exigences de ces conventions. Sur le coup, on peut dire que l’Etat a joué le jeu en annonçant l’ouverture des enquêtes. A propos de celle-ci, la plus importante demeure l’enquête nautique. Elle a pour but d’établir les causes de l’accident. Elle ne va pas plus loin, car ce n’est pas son objet.

 

L’enquête nautique est conduite par un enquêteur qui fait appel à divers experts tous qualifiés les uns les autres dans les différents corps des métiers en rapport avec les transports maritimes et concernés par l’événement de mer. Au terme de cette enquête, un rapport est transmis aux autorités compétentes qui peuvent saisir le parquet. Les responsabilités peuvent-elles être établies à ce stade des événements ?

 

Si je m’en tiens aux premières décisions à caractère conservatoire du gouvernement et propos du Premier ministre lors de son adresse à l’administration des transports d’une part, aux actions déjà menées à sa propre initiative par le procureur de la République d’autre part, je ne puis qu’être très inquiet. Autant le gouvernement a fait ce qu’il fallait à ce stade, autant le magistrat a décidé de faire feu de tout bois. Je réitère qu’en droit maritime, l’enquête comporte aussi bien une partie administrative que technique. Les deux évoluent simultanément et font l’objet d’un rapport unique. Celui-ci est remis aux autorité maritimes qui le soumette à l’appréciation du parquet. C’est donc en fonction des éléments techniques à sa disposition que le parquet peut décider ou non d’un complément d’enquête pour mieux fixer les responsabilités des différents acteurs directement ou indirectement impliqués dans l’événement de mer. Qu’il me soit permis de rappeler qu’il est conventionnellement établi que tout naufragé rescapé doit bénéficier d’une assistance médicale et psychologique avant son audition. Dès lors, il ne peut être emprisonné ou gardé à vue. Bien au contraire, il peut être utile aux sauveteurs en donnant des informations utiles sur son navire. Au terme de ces précisions et au regard de l’évolution de l’actualité de ce naufrage, il est évident que nous sommes aux antipodes de ce que nous exigent les conventions internationales. L’émotion et la douleur collectives ont vraisemblablement pris le pas sur les pratiques conventionnelles.

 

Pensez-vous que des recherches à terre soient nécessaires ?

 

Dix jours après le naufrage, le navire repose désormais à trente mètres au fond de l’océan et les recherches se poursuivent en mer sans grands espoirs de retrouver des survivants. Il est par ailleurs étonnant que les responsables des opérations au niveau du PC Crise n’aient pas daigné procéder à des recherches au sol le long des plages sur au moins 5 à 10 km du nord au sud du point de naufrage. Toutes les communications font état à ce jour des recherches en mer. Or, la mer refoule toujours vers la plage tout ce qui flotte. Il est probable que soit découverte sur les plages lointaines une partie du fret transporté par le Esther Miracle. Dès lors, les gestionnaires de crise réaliseraient qu’il aurait mieux valu mener les recherches simultanément en mer comme au sol avec une assistance canine pour retrouver certains corps qui auraient dérivé par la force des courants et des vents, avant d’échouer sur les plages loin du sable ou dans les mangroves à l’intérieur des bras de mer. On peut encore le faire.

 

On parle de risques de pollution. Y a-t-il des raisons de s’en inquiéter ?

 

Sincèrement d’une manière ou d’une autre, il n’y aura jamais marée noire à cause de l’épave de l’Esther Miracle. Dans les soutes, il s’agit d’un hydrocarbure raffiné et non d’un fioul lourd. Soit à terme il se fige en fonction de la température de l’eau, soit les réservoirs se dégradent et il pourrait avoir une perte progressive qui remonterait en surface suivant la colonne d’eau. Mais au regard des capacités du navire et de ce qu’il avait déjà consommé, les risques de pollution marines sont assez faibles.

 

Propos recueillis par Styve Claudel ONDO MINKO

Libreville/Gabon

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