Fawe et approche genre : ''Un pays ne peut pas se développer en ignorant 52 % de sa population''

Fawe et approche genre : ''Un pays ne peut pas se développer en ignorant 52 % de sa population''

HOURAYE Mamadou Anne est coordinatrice du bureau régional du forum des éducatrices africaines (Fawe) pour l'Afrique centrale et de l'ouest. Au sortir de la formation des journalistes du continent sur le traitement médiatique sensible au genre et éducation des filles en Afrique, tenue à Dakar du 16 au 17 décembre 2022 dernier, elle donne dans cet entretien exclusif à l'Union, l'opportunité d'une telle démarche ainsi que le bien-fondé des questions genre dans une Afrique qui semble avoir d'autres problèmes. Lecture !

 

L'Union : Que faut-il retenir de cette rencontre de femmes, d'enseignants et de journalistes autour des questions de genre ?

 

Houraye Mamadou Anne : Ce qu'il faut retenir c'est que nous sommes tous et toutes des citoyens qui nous préoccupons du futur de nos pays et dans ce futur, dans chacun de nos pays, il y a la question des enfants. Des enfants qui sont notre présent et notre futur. Et donc comment s'assurer que nous développons le capital humain chez nos enfants ? Et dans ce capital humain, l'éducation joue un rôle important. Pour ce qui concerne le Fawe, le forum des éducatrices africaines, nous nous penchons plus spécifiquement sur l'éducation de la jeune fille parce que dans nos pays, les jeunes filles ont beaucoup de difficultés, font face à beaucoup d'obstacles pour aller à l'école. Non seulement pour y accéder, mais pour y rester, pour faire de bonnes performances et pour avancer dans le parcours scolaire. C'est-à-dire, quitter le primaire pour aller au collège et le collège vers l'enseignement supérieur pour celles qui le désirent…

 

Quelles sont les solutions du Fawe pour maintenir ces jeunes filles dans le circuit scolaire et leur assurer un avenir autonome ?

 

Nous avons beaucoup de solutions que nous avons éprouvées dans les 33 pays dans lesquels nous sommes présents, et depuis 30 ans que nous existons. C'est par exemple de s'assurer que les écoles sont sûres et sécurisées pour les filles. Et quand elle y est, qu'elle s'y sent en sécurité. C'est cela qui va l'encourager à rester. L'école doit par ailleurs être accueillante avec des toilettes pour filles séparées de celle des garçons. Que les filles ne soient pas obligées de s'absenter de l'école du fait de leurs menstrues. Qu'elles n'aient pas peur du harcèlement des camarades garçons. C'est enfin de s'assurer que les enseignants sont formés à la spécificité des besoins des garçons et des filles et donc à la pédagogie qui intègre le genre. Est-ce que la petite fille a des modèles femmes auxquelles se référer ? Est-ce qu'il y a des enseignantes dans l'école ?

C'est du plaidoyer que nous portons auprès des autorités publiques pour dire que nous avons besoin de plus d'enseignantes femmes à des postes de responsabilité, dans les matières scientifiques etc. Est-ce que la direction de l'école est sensibilisée aux questions du genre, des normes de conduites pour s'assurer que les enseignants ne harcèlent pas les filles que les enseignants se violentent pas les filles. C'est autant de questions qui sont importantes pour le maintien des filles à l'école. Par rapport à ce qui se passe au niveau politique est-ce que les programmes sont sensibles au genre ? Est-ce que les manuels qu'on utilise ne comportent pas des images et messages qui disent à la petite fille voilà ta place, tu ne dois pas sortir du carcan dans lequel on t'a mise. Autant de choses qu'on peut faire.

 

À l'époque, lorsque la question genre prenait de l'ampleur au Gabon, que le pays bousculait son corpus juridique pour lutter avec rigueur contre les violences faites aux femmes, on lui a reproché la non-opportunité de cette démarche. Alors en quoi est-ce opportun de parler des questions genre quand on a faim ?

 

Oui on a faim ! Mais quand on a faim et qu'en plus on est opprimé, ça aggrave la situation. On n'a pas commencé par parler de développement. Un pays ne peut pas se développer en ignorant 52 % de sa population. Ces 52 % sont autant de force vive de la nation, des personnes qui peuvent travailler, s'acquitter de leurs impôts. Ensuite, quel homme n'a pas envie que ses enfants se développent harmonieusement ? Et les recherches ont montré que les enfants sont en bonne santé et bien éduqués quand leur mère est éduquée. Plus une femme est éduquée, mieux sa famille est en bonne santé. Alors quel homme n'a pas envie de prendre pour compagne une femme qui va l'aider à s'assurer que ses enfants vont grandir en bonne santé. Je n'en connais pas. Et donc voilà le lien entre développement et questions de genre. Voilà en quoi les questions de genre sont importantes, qu'on ait faim ou non.

 

Quelles sont les attentes du Fawe par rapport à cette semaine de rencontre où de nombreux journalistes du continent étaient représentés avec des réalités différentes sur ces questions de pédagogie sensible au genre ?

 

L'une des grandes attentes est de dire les journalistes, les médias ont un pouvoir important. Les médias forgent nos esprits, nos mentalités par les messages qu'ils envoient. Donc faisons attention à envoyer des messages positifs qui permettent à la jeune fille de comprendre qu'elle a de la valeur parce qu'elle est un être humain. Envoyons des messages qui fassent comprendre aux femmes qu'elles ont de la valeur. Et ce pouvoir-là ce sont les médias qui l'ont. Nous, nous travaillons avec les communautés, mais nous ne pouvons travailler avec toutes les communautés de tout un pays. Mais quand le Fawe et les médias se mettent ensemble, on a une audience qui est beaucoup plus large et on est capable de toucher toute une société. Parce qu'après tout, nous travaillons sur les questions de normes sociales qui exigent de toucher toutes les populations, toutes les communautés pour qu'ensemble nous réfléchissions et trouvions des solutions adéquates qui permettent à tous les enfants d'un pays, à tous les hommes et toutes les femmes d'un pays de pouvoir s'épanouir. Parce qu'il ne faut pas oublier une chose quand, on parle d'égalité et d'équité de genre, on est en train de dire : si ce sont les hommes qui sont défavorisés agissons pour eux, pour qu'ils aient plus de chance et d'opportunités. Mais si ce sont les femmes qui sont défavorisées, agissons pour les femmes. Il se trouve que dans la plupart des pays et des cas, ce sont les femmes qui sont marginalisées. Mais dans les endroits où ce sont les garçons ou les hommes, le Fawe agit pour ces garçons ou pour ces hommes.

 

Entretien réalisé par Line R. ALOMO

Dakar/Sénégal

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