Créol  : "La Côte d’Ivoire n'est pas ma limite, j'entends aller plus loin"

Créol  : "La Côte d’Ivoire n'est pas ma limite, j'entends aller plus loin"

Janice Aurore Moussitou Makaya, de son véritable nom, vit désormais en Côte d’Ivoire où elle connaît un succès remarquable. Dans cet entretien, elle se livre sans langue de bois, comme à son habitude. Se faisant, le porte-voix d’une communauté artistique qui subit de plein fouet cette crise sanitaire sans en percevoir la moindre issue de sortie, plus d’un an après.

l’Union: Comment avez-vous construit votre succès sur les réseaux ?

Janice Aurore Moussitou Makaya: Je suis moi-même, je reste telle que je suis sur les réseaux sociaux et c'est ce que suivent mes fans. Aujourd’hui, j'ai des marques qui veulent travailler avec moi pour profiter de cette visibilité-là.

Pourquoi avez-vous quitté le Gabon pour vous établir en Côte d’Ivoire ? Qu’est-ce qui motive ce choix ?

Au départ j'ai répondu à une invitation. Puis j'ai eu d'autres invitations qui n'en finissaient pas. Je découvre le travail d'un artiste depuis que je suis ici et qu'on peut vivre de notre art. Tant que la situation ne s'améliore pas au Gabon je ne reviendrai pas. Je suis artiste, il faut que je vive de mon art. Ce qui n'est pas possible au Gabon. Le secteur culturel gabonais est en panne. Et moi, en tant qu'artiste, j'ai besoin d'exprimer mon talent et d'être dans un environnement qui m'accompagne. J'ai constaté qu'ici en Côte d'Ivoire il y a tout ce dont j'ai besoin pour exprimer mon talent. Tant que les choses ne se préciseront pas du côté du pays, je ne reviendrai pas. C'est vrai que ma famille y est, mes origines y sont, mais je pense avoir fait le bon choix. C'est dommage de le dire mais sachez que le secteur culture n'existe plus au Gabon. On n'a pas de ministre de la Culture. Et son absence n'est même pas consécutive à la crise sanitaire. Il est absent depuis longtemps.

Comment vivez-vous votre vie d’artiste dans ce pays d’Afrique de l’Ouest ?

La Créol qui est en Côte d’Ivoire se lève tous les matins. Celle du Gabon glande dans les rues de la capitale ou dort à longueur de journée. Elle n'a rien à faire, elle insulte les gens à longueur de journée, elle est frustrée par le système qui ne l'aide pas parce que l'oisiveté a dépassé les limites, parce qu'il n'y a aucune politique pour les artistes. Je préfère être ici pour programmer mes productions musicales. Au Gabon on dépense en moyenne près de 10 millions de francs pour sortir un projet même quand on sait qu'on ne pourra pas avoir de prestations scéniques et autres pour la promotion d'un album. Et là c'est un mal qui existe avant la crise.

Faut-il comprendre qu’au Gabon les artistes ne sont pas accompagnés par la tutelle ?

Oui ! Les artistes se battent seuls. On a l'impression que le ministre de la Culture n'existe pas. Je peux même dire que ce ministère a fermé quand il a été créé. C'est vraiment lamentable. Nous voulons faire de grandes choses mais dans ces conditions c’est impossible. C'est dur de le dire mais au Gabon on ne peut pas émerger. Il faut aller hors de ce pays pour connaître une véritable ascension. Si les musiciens sont confinés depuis avant la crise sanitaire, je n'ose pas parler des autres artistes tels que les peintres, les écrivains, les cinéastes et autres qui peinent à émerger. On a tellement de métiers artistiques qui sont inexistants et enfouis parce qu'on ne les soutient pas. C'est triste de savoir que le chef de l’État lui-même prend des dispositions pour ce secteur mais ceux qui sont autour de lui font tout le contraire de ce qu'il dit et décide.

Que proposez-vous pour une meilleure prise en compte du statut de l’artiste au Gabon ?

On n'a plus rien à proposer dans ce pays. La tutelle ne veut pas suivre. Je conseille à mes frères quel que soit le secteur de partir de ce pays. Quittez le navire Gabon ! Allez découvrir d'autres horizons. Le Gabon ne nous reconnaît pas. On a des dirigeants qui voyagent et voient ce qui se fait ailleurs. Ils ne veulent jamais reproduire ce qui est positif. La Côte d'Ivoire est un pays qui a plusieurs fois été frappé par des guerres mais aujourd'hui ils sont très avancés dans plusieurs domaines. Aujourd'hui je ne vois pas ce que ce ministère (gabonais de la Culture, Ndlr) nous apporte. Je propose d'ailleurs qu'il soit supprimé et que son budget soit affecté aux affaires sociales chez les enfants abandonnés. Le ministère ne joue pas son rôle dans la promotion des artistes.

Selon vous, dites-nous comment les artistes peuvent s'organiser pour promouvoir leur art ?

C'est dommage de le dire mais je crois que pour connaître une véritable ascension il faut quitter le Gabon. Il faut aller là où les artistes sont valorisés. En Côte d'Ivoire que tu sois étranger ou pas, dès lors que ta musique est jouée et que tu es déclarée au bureau des droits d'auteurs on te reverse ton dû. Je crois que ce malaise n'affecte pas que le secteur culturel. Plusieurs autres sont affectés par la même maladie chez nous. C'est pourquoi je dénonce haut et fort ce que nous vivons. J'espère que je pourrai faire bouger les lignes au profit des générations futures. On est tous heureux de dire que Shan'L représente le Gabon, mais ayons la décence de reconnaître que ce n'est pas son pays qui l'a propulsée de la sorte. Ce sont les différentes collaborations qu'elle a su tisser dans d'autres pays qui lui permettent d'être au sommet de la sous-région Afrique centrale deux années de suite et pourquoi pas du continent avec les trophées qu'elle a décrochés. Aucun artiste gabonais n'a réussi à percer avec le soutien de la tutelle. On est un million de personnes dans ce pays. Vous pensez que le million de vues que j'ai atteint c'est grâce à notre population ? Non. Le pays peut m'apporter tout au plus environ 2 000 vues. Le reste vient de l'extérieur. Le Gabon limite notre art quand on sait qu'on peut être apprécié ailleurs.

Vous êtes en Côte d’Ivoire depuis plus de cinq mois, combien de collaborations sont prévues ?

C'est une question qui revient sans cesse chez mes fans. Sachez que beaucoup de collaborations sont en vue. On ne va pas livrer tout ce que nous avons en projet. Je suis en autoproduction. Je n'ai aucun accompagnement. Ce qui exige un rythme de travail complètement différent des autres. Je peux dire que j'ai quasiment quatre collaborations en vue. Toute l'équipe qui m'accompagne réfléchit sur le projet à lancer selon la demande de mon public. Maxi, album, je réfléchis encore. J'ai des collaborations en vue avec plusieurs autres artistes bien connus. J'ai une collaboration avec Sidiki Diabaté que tout le monde connaît. Et d'autres qui sont sollicitées par d'autres artistes. La Côte d’Ivoire n'est pas ma limite. J'entends aller plus loin, avoir des collaborations hors du continent africain. Je souhaite également conquérir les autres continents, et pourquoi pas aller chez Dieu et lui demander ce qu'Il veut que je fasse pour Lui.

Actualité oblige, vos récentes photos à moitié dénudée et l’autre moitié recouverte d’un pagne ont choqué plus d’un. Est-ce une démarche artistique voulue ?

Tout ce que je fais obéit à une vision artistique. C'est toujours bien d’apprécier les tableaux des autres comme Marilyn Monroe. C'est pourtant de l'art qui se cache derrière ces images parfois dénudées qu'elle a laissées. Quand moi Moussitou je ferai des photos en soutane avec une tenue de bonne sœur religieuse on se mettra toujours à critiquer. Sachez que je voulais simplement exprimer la beauté de la féminité.



Entretien réalisé par Rudy HOMBENET ANVINGUI



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