Aimée Delia Bilouni Ndjally : " Je suis une véritable miraculée de l'AVC

Aimée Delia Bilouni Ndjally : " Je suis une véritable miraculée de l'AVC"

Alors que tout lui sourit, notre invitée est foudroyée par un accident vasculaire cérébral en 2011. Dans cet entretien, elle revient sur cette épreuve, les moments de doute et délivre, cependant, un message de courage. Montrant ainsi qu'il est possible de retrouver peu à peu une vie presque normale.

 

L'UNION : Le public vous connaît notamment comme la présidente de l'ONG SOS AVC. Il ignore cependant que vous avez été victime d'un accident vasculaire cérébral en 2011. Pouvez-vous nous raconter cet épisode ?

Aimée Delia Bilouni Ndjally : "Ce n'est pas évident de parler de maladie, parce que c'est quelque chose d'assez triste. J'ai toujours autant de mal à évoquer ce qui m'est arrivé, mais le fait d'être vivante me rappelle le chemin parcouru. Mon accident vasculaire cérébral est survenu suite à un surmenage, d'après les spécialistes qui m'ont suivie. J’avoue que j'étais très active à l'époque. Je me partageais entre le handball professionnel, le milieu artistique dans lequel j'organisais des tournées ou les différentes éditions de la Nuit de la musique, sans oublier mes obligations professionnelles (elle a été conseiller du Président du Conseil national de la communication, ndlr). Le problème est que lorsque les signes avant-coureurs de mon AVC surviennent, la prise en charge n'est pas optimale. En raison d’une mauvaise interprétation d’un scanner, les soignants qui me reçoivent à l'hôpital général me diagnostiquent une sinusite. Ils me prescrivent un traitement pour cela et pour une otite (inflammation ou infection, soit du conduit auditif, soit de l'oreille moyenne, c'est-à-dire la partie située derrière le tympan, ndlr), alors que le mal est ailleurs. Alors que je suis en réanimation et plongée dans le coma, des proches réussissent finalement à rencontrer un neurologue qui se rend aussitôt compte que je suis en train de faire un AVC hémorragique. Grâce à la CNAMGS, j'ai été évacuée vers l'Afrique du Sud avec toutes les précautions qui s'imposaient, étant entendu que j'étais dans le coma et maintenue en vie de façon artificielle. A mon arrivée, je suis rapidement prise en charge, opérée au laser. Grâce à Dieu, tout se passe bien et là commence l'épreuve de la rééducation. Je ne marche plus, je ne peux plus manger seule et j'ai perdu la mémoire. J'ai donc dû apprendre à me réapproprier mon corps et tous mes états de pleine conscience. C'est au bout de plusieurs mois d'efforts que j'ai retrouvé ma motricité et toutes mes capacités. Il est donc possible de survivre et de venir à bout de cette maladie, à condition d'avoir les soins adéquats et de suivre une kiné. Je suis donc une miraculée. Après avoir vécu une telle situation, empreinte de douleurs et de tristesse, j’ai décidé d’agir au lieu de me recroqueviller sur moi-même. J'ai donc créé SOS AVC pour aider toutes celles et ceux qui ne savent pas vers qui se diriger pour une véritable prise en charge de la maladie et pour les réconforter quand il le faut.

 

Avant tout cela, est-ce que vous étiez informée de ce qu'était un AVC ?

Saviez-vous que vous faisiez un accident vasculaire cérébral ? Pas du tout ! C'est justement ce qui est déplorable, les informations ou les campagnes autour de cette maladie sont presque inexistantes au Gabon. J'ignorais tout de cette terrible maladie avant d'en être victime. Lorsque l'attaque survient, j'ai l'impression de parler et d'agir normalement, mais c'est un proche qui attire mon attention sur mon visage qui se déforme. Il s’en suit alors de violents maux de tête pour le moins inhabituels et des picotements dans les jambes. Au nombre de ces malaises figurent également des vertiges et des envies de vomir. Mes proches me conduisent à l'hôpital avec un niveau de tension très élevé. C'est là que j'apprends que je suis hypertendue et je l'ignorais. Comme je ne savais pas que l'hypertension pouvait être le terreau de l'AVC.

 

Vous sortez du bloc opératoire et vous comprenez, peu à peu, que vous ne serez plus la même personne. Vers qui ou quoi se tournent vos pensées ?

 

Au suicide ! Il ne faut pas se mentir. Quand je m'aperçois que je suis paralysée, alors que j'étais une sportive et très active dans plusieurs domaines, j'ai dit à ma mère que je voulais mettre un terme à ma vie. Elle m'a regardée et m'a dit que je devais considérer tous les efforts entrepris par tous mes proches depuis la survenue de l'AVC. Elle a ajouté que personne ne m'avait abandonnée et qu’il n'était pas question de les abandonner à mon tour, parce que c’était leur souhait à tous que je guérisse. Elle pensait que c’était une question de volonté et que la mienne devait être inébranlable. A cet instant, je me dis qu'elle avait raison et que Dieu m'a permis de survivre pour une bonne raison. Depuis ce jour, je me suis accrochée, j’ai accepté le combat et éloigné les pensées négatives. Grâce à Dieu, à ma mère et à ceux qui m'ont entourée de leur amour, je suis revenue à la vie.

 

Comment fait-on face des mois, des années, après avoir été victime d'un accident vasculaire cérébral ?

 

Il faut tout changer, c'est une règle à laquelle on ne peut échapper. Avant, je faisais du sport et j'étais très active dans de nombreux domaines. Aujourd'hui, je ne peux pas mettre de talons. J'ai pris du poids parce que je ne peux plus faire de sport de manière intensive comme avant. Je dois me contenter de trente minutes par jour. Si j'en fais plus, mon corps me rappelle vite à l'ordre en m'envoyant des signaux douloureux. Le quotidien devient difficile parce qu'on prend des médicaments à vie et la peur, surtout après moult opérations, ne vous quitte plus. Le moindre malaise est scruté pour voir si ce ne sont pas des signes avant-coureurs d'un autre AVC. Car quand on a fait un AVC, grande est la probabilité d’en faire un second. Je dois faire attention à tout, même s'il m’arrive des fois de vouloir jeter l'éponge. Mes habitudes alimentaires ont été complètement changées. Avec ce nouveau mode de vie, fini les sodas, pas trop d'alcool, de gras, de sel et plus de cigarettes. Il y a tellement de contraintes que j'avoue tricher de temps à autre, mais je me ressaisis rapidement (rires). Je suis en permanence sur le fil du rasoir, mais au moins, je suis vivante et c'est bien l'essentiel (sur un ton plus grave). Mais ce qui marque, et vous donne envie de vous battre encore plus, c'est l'attitude négative de certains soignants. C'est du passé, grâce à Dieu.

 

Entre le moment où vous êtes touchée par cet AVC et celui durant lequel vous vous remettez, combien de temps s'écoule ?

 

Trois mois ! Cela peut surprendre, mais c'est la vérité. Il s'écoule trois mois. En réalité, tout s'est joué au niveau de mon évacuation sanitaire et le pays choisi. Je suis sûre que si je n'étais pas allée en Afrique du Sud, les choses auraient été différentes. Parce que les Sud-Africains sont les meilleurs pour ce qui est de la rééducation des personnes atteintes par un AVC. Ce n'est pas de la publicité, c'est la réalité. Pendant cette période, j'ai échappé à une récidive grâce à un contrôle que j'effectuais en France. Mais il faut avoir un mental de fer pour tout supporter et embêter les kinés pour qu'ils me montrent les exercices qu'il fallait faire pour recouvrer la santé (rires). En trois mois, j'ai mis mon fauteil roulant et ma canne au placard. Maintenant, je vis normalement, je conduis. Ca va, même s'il y a des contraintes.

 

Après une telle épreuve, vous décidez de créer SOS AVC. Comment se porte l'ONG aujourd'hui ?

 

SOS AVC est créé le 6 février 2014. L'ONG a beaucoup grandi depuis ce temps-là, mais doit se battre sans financement. J'essaie surtout de venir en aide aux malades en les accompagnant psychologiquement. Parce qu'ils sont déprimés ou qu'ils ne veulent plus faire le moindre effort face à leur mal. C'est pour cela que beaucoup n'arrivent pas à récupérer. J'essaie de mettre à leur disposition des kinésithérapeutes, de les orienter vers des médecins et de les informer sur les mécanismes pour être autonomes. Même si je dois m'investir, je le fais en prenant certaines précautions à cause de mon état de santé. Je n'ai pas d'argent, je ne peux payer d’onéreuses ordonnances, mais je tente de soutenir les malades grâce aux renseignements et d'autres solutions que je mets à leur disposition. La prévention, au travers des campagnes de sensibilisation, est l'autre face du travail de l'ONG. Car une tension négligée, les drogues, des excès dans la cigarette ou la boisson sont autant de facteurs de risque auxquels peu de personnes prêtent attention. Lorsque SOS AVC a été mis en place, des séminaires de formation en faveur des journalistes avaient été organisés. Depuis, je constate un relâchement et l'attitude du gouvernement n'aide pas beaucoup non plus. C'est l'unique entité qui se bat pour faire comprendre l'importance de cette maladie. Mais sans aucun soutien financier. Car il s'agit de soutenir des personnes qui se retrouvent trop souvent en grande difficulté après avoir subi un accident vasculaire cérébral et de récolter des données sur cette pathologie. La création d'un mois consacré à l'AVC pourrait permettre d'améliorer la sensibilisation autour de cette maladie, mais ce n'est pas à nous d'en décider. L'Unité qui a été créée au CHUL est un premier pas et il en faut plus. Je voudrais néanmoins compter sur tous ces spécialistes de la médecine qui, depuis le lancement de nos activités, ont toujours su répondre présents lorsqu’il s’est agi d’accompagner l’ONG et l’ensemble de ses bénévoles. Qu’ils trouvent ici ma très sincère gratitude, y compris celle de toutes les personnes avec qui je travaille.

 

De quoi êtes-vous la plus fière depuis que vous êtes à la tête de cette ONG ?

 

Venir en aide et redonner de l'espoir à des gens qui ont l'impression qu'ils ont tout perdu est d'abord un devoir. Et c'est ce qui me motive chaque jour en dépit de nombreuses entraves. Cela fait plaisir de voir que des malades décident de reprendre leur vie en main parce qu'ils savent enfin qu'il y a des médecins ou des kinésithérapeutes qui sont à leur écoute.

 

Un dernier mot ?

 

Je comprends que le public ait du mal à appréhender l'AVC et ses conséquences. C'est quand on est touché dans sa chair ou qu'un proche est touché, qu'on se rend compte qu'on aurait pu faire les choses autrement. Je sais ce qu'on traverse avec une telle épreuve, ce que la vue d'un fauteuil roulant provoque en vous... C'est quelque chose de violent. C'est pour cela que je conseille à tout le monde de surveiller sa santé, d'être des gens de paix autour de soi, de croire en Dieu sans qui rien n'est possible et de ne pas négliger la main tendue quand on doit faire face à un AVC. Je voudrais vraiment qu'il se crée une synergie entre les malades, les familles, les bailleurs de fonds, les entreprises, le gouvernement et l'ONG. Parce qu'il y a encore beaucoup de choses à faire dans ce combat contre les accidents vasculaires cérébraux, véritable problème de santé publique au Gabon.

 

Propos recueillis par : Serge A. MOUSSADJI

Libreville/Gabon

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