Charles Mensah, la vie est un film : AU COMMENCEMENT ETAIT L'IMAGE

Derrière la caméra (1976-1994)

 

Il y a mille façons de servir le cinéma. On peut filmer, écrire, produire, encadrer, distribuer... Mais au final, il n'y a qu'une seule vérité, celle du film. L'itinéraire de Charles Mensah recouvre toutes ces identités et cette conviction du cinéma africain. "Un expert écouté, un mili­tant convaincu et per­sé­vé­rant", comme le qualifiait l'Organisation internationale de la Francophonie, au moment de son décès, le 3 juin 2011.

Retour sur image. Et de commencer par sa première fiction, Obali (1976), co-réalisée avec Pierre-Marie Dong. Sur un scénario signé Joséphine Kama Bongo (Patience Dabany), Charles Mensah dénonce la coutume qui veut qu'un veuf ait pour obligation d'épouser une femme de sa belle famille. Dans le film, Ngondo doit donc remplacer sa grand-mère et ce faisant épouser son propre grand-père. Mais cette jeune fille du Haut Ogooué va trouver le moyen de déjouer la coutume.

Un an plus tard, Charles Mensah retrouve encore Pierre Marie Ndong et Patience Dabany, pour la réalisation d'Ayouma (1977). Cette fois encore l'émancipation de la femme est au centre du propos. Une femme " qui travaille et s'associe à la vie politique, mais dont le statut n'a pas vraiment changé en Afrique, où certaines coutumes font d'elle une femme-objet que l'on peut monnayer sur la place du village ou dans les couloirs de la politique." Pédagogique autant que politique !

Si à partir de 1983, Charles Mensah s'implique dans la production - avec Equateur, signé Serge Gainsbourg- il retrouve néanmoins les plateaux en participant à la série "L'Auberge du salut" (1994). Une pure création gabonaise, réalisée par un collectif où l'on retrouve Henri Joseph Koumba Bididi (les Couilles de l'éléphant et le Collier du Makoko), Marcel Sandja, Dread Pol Mouketa, François Mezui Me Ndong et Alain Oyoue. Belle brochette pour un vrai succès populaire.

Au service du cinéma africain

Mais l'essentiel de son énergie, Charles Mensah l'a consacrée au cinéma des autres. En tant que producteur délégué, il participera à de nombreuses réalisations comme Le Damier de Balufu Bakupu Kanyinda (1996), Dôlè (l'Argent) d'Imunga Iwanga (2000), Les Couilles de l'éléphant (2001), N'Djamena City, d'Issa Serge Coelo (2006) ou encore l'année suivante ce court métrage documentaire sur "Lybek, le croqueur du vif". Sans oublier bien sûr "Le collier du Makoko" d'Henri Joseph Koumba Bididi (2011), présenté à Cannes l'année même de son décès.

S'il a aidé ces films à exister, Charles Mensah apporte aussi une sérieuse contribution à l'encadrement des jeunes créateurs. Jusqu'en 2009, il occupe le poste de directeur général du Centre National du Cinéma Gabonais (CENACI), aujourd'hui Institut Gabonais de l'Image et du Son (IGIS). Un vivier par lequel toute la jeune génération va transiter, tant au niveau du documentaire que de la fiction. Enfin, cette fois à l'échelle du continent, Charles Mensah préside encore à la FEPACI (Fédération panafricaine des cinéastes), cette même année 2009. Et il défend la cause avec une détermination intacte jusqu'au bout du voyage. Une semaine avant son décès, il rencontre encore Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie, pour le remercier de son soutien dans la création d'un Fonds pana­fri­cain du cinéma et de l’audio­vi­suel. « Charles Mensah a, depuis toujours, accom­pa­gné la Francophonie dans ses actions en faveur du déve­lop­pe­ment d’un cinéma du Sud et notam­ment afri­cain, indé­pen­dant, rayon­nant et de qua­lité. » salue l'OIF à l'annonce de son décès. Un hommage auquel s'est jointe toute la profession. "le Gentleman des cinémas d'Afrique" s'est éteint, mais le film continue !

Roger Ango-Calme

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